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M. Eugène Guillaume a dit la fermeté, habile et sage, avec laquelle Alaux dirigea l’Académie placée alors entre deux feux, ce qui ici n’est pas une figure, puisque la Villa Médicis se trouvait entre les forces insurrectionnelles de Mazzini et l’armée du général Oudinot.

Le palais de l’Académie, en ces jours troublés, était devenu le refuge de la colonie française : « M. Alaux, qui avait mis toute la maison au service de ses hôtes, veillait activement à ce qu’ils ne devinssent pas un danger pour elle. Il intervenait pour calmer les esprits surexcités et les ramener au sentiment de la situation, à l’exacte appréciation des choses. Sa raison, son patriotisme, son calme, exerçaient une influence qui fut profitable à tous. Il faut ajouter que le dévoûment de Mme Alaux inspirait à tous la confiance et le respect. » Mais bientôt la situation devint intenable. Les imprudens qui s’approchaient de la terrasse de la Villa étaient reçus par des coups de fusil. Directeur et pensionnaires durent aller chercher asile au palais Colonna, où avait résidé notre ambassade, puis réclamer des sauf-conduits pour sortir de Rome. Il ne fut pas facile de les obtenir. A M. Eugène Guillaume, choisi comme négociateur par la confiance du directeur et de ses camarades, et qui se montra, tout jeune qu’il fût, un très habile diplomate, Mazzini répliquait : « Pourquoi quitter Rome ? Vous n’y êtes pas en danger. L’Académie est une institution française, mais elle est aussi romaine, et nous nous en faisons gloire. S’il en était besoin, nous vous protégerions comme des concitoyens. En réalité, nous ne sommes pas en guerre avec la France ; nous nous défendons contre ceux qui la gouvernent. » Grâce à la ténacité de son mandataire, le personnel de l’Académie put gagner Florence. Au nombre des pensionnaires qui prirent part à cet exode étaient Cabanel, Félix Barrias, Achille et Léon Benouville, Charles Garnier, Duprato, Eugène Guillaume.

Dès que les Français furent entrés dans Rome, l’Académie fut réinstallée à la Villa Médicis, que, depuis 1803, elle n’avait jamais quittée et où depuis lors elle n’a cessé de résider. Alaux avait fait tout son devoir. Cependant, a noté M. Guillaume, ni de l’administration, ni de l’Académie, il ne reçut les témoignages publics de satisfaction qu’il avait mérités. Parfois il en est ainsi

Un autre directeur connut à Rome des jours douloureux ; ce fut M. Ernest Hébert, qui, comme Schnetz, fut à deux reprises, à la tête de l’Académie, de 1865 à 1873 et de 1885 à 1891. Il