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en 1885, ce n’était plus pour parer à un déficit ou pour échapper à la faillite : c’était uniquement pour réaliser certaines améliorations que l’expérience avait révélées nécessaires et qui, à leur tour, ne pouvaient que favoriser l’augmentation des recettes.

On put, sans compromettre les bénéfices raisonnables des actionnaires, accorder d’importantes détaxes aux armateurs.

Dans les années 1881 et 4 882, une crise beaucoup plus grave que les précédentes, de caractère tout politique, faillit compromettre le caractère français, ou plutôt international, que Lesseps avait voulu garder à son œuvre. Dès janvier 1855, il semble qu’il eût prévu cette crise. Il avait alors fait remettre à Napoléon III une note destinée à être insérée dans les protocoles du futur traité de paix avec la Russie et qui était ainsi conçue : « Les puissances signataires garantissent la neutralité du Canal maritime de Suez en tout temps. Aucun bâtiment ne pourra être saisi ni dans le Canal, ni à quatre lieues des entrées sur les deux mers. Aucune troupe étrangère ne pourra stationner sur les bords du Canal, à moins d’avoir le consentement du gouvernement territorial. » Les craintes prophétiques de Lesseps ne furent pas prises alors en considération. Ni dans le traité de Paris de 1856, ni dans aucun acte ultérieur, aucune disposition ne fut insérée pour garantir la neutralité du Canal. Il restait dans une situation imprécise, comme en dehors du droit des gens.

L’inconvénient de cette situation se révéla quand éclatèrent les troubles qui provoquèrent et suivirent la déposition du vice-roi Ismaïl (26 juin 1879). L’histoire de l’Égypte et du Canal se confond avec celle de la politique générale européenne. Il nous est impossible, ici, d’entrer dans le détail de négociations où la France et l’Angleterre restèrent d’abord en tête à tête, où intervinrent ensuite les quatre autres puissances et la Porte Ottomane. M. Charles-Roux a exposé avec une lumineuse précision la politique qui fut suivie en Égypte successivement par Jules Ferry et son ministre des Affaires étrangères, Barthélémy Saint-Hilaire, puis par Gambetta, puis par M. de Freycinet, puis par la cabinet Duclerc, puis par Jules Ferry revenu aux affaires, enfin par M. Flourens. Deux fois la France, à la suite des plus tristes journées parlementaires, perdit la possibilité de se maintenir en Égypte. Deux fois la Chambre des députés fit échouer les plus sages combinaisons de nos gouvernans. Ce fut le