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Enfin, le 21 octobre 1887, un nouveau projet de convention fut remis à notre ambassadeur : entre autres concessions, l’Angleterre acceptait le principe de la surveillance collective des puissances sur l’exécution du traité à intervenir et la réunion annuelle d’une commission composée de leurs représentans. Cette fois, le gouvernement français accepta, et les deux cabinets soumirent aux autres puissances les termes de leur accord. Elles n’y firent que des modifications sans importance, et, le 22 décembre 1888, fut signée à Constantinople, par les représentans des six puissances et de la Porte, la « Convention internationale pour le libre passage du Canal de Suez[1]. » M. Charles-Roux, se livrant à l’examen de ce document, constate que la commission permanente proposée par la France n’a pas été maintenue ; que la surveillance internationale du Canal n’est pas organisée ; et qu’il n’existe pas de sanction. Sa conclusion n’en est pas moins celle-ci : « Fût-elle encore plus platonique, plus dépourvue de sanction, plus entourée de réserves, la Convention de 1888 conserverait la valeur d’un traité international au respect duquel sont liés l’honneur et la bonne foi des puissances qui l’ont signé. »


VII

Six années après la Convention de Constantinople, — années qui furent les plus douloureuses de sa vie, — mourait Ferdinand de Lesseps (7 décembre 1894).

Les derniers chapitres de l’ouvrage de M. Charles-Roux présentent un intérêt tout autre que les précédens. L’économiste, chez lui, prend la place de l’historien. Il nous fait assister à

  1. Voici, en résumé, les principales dispositions : — Toutes les nations ont droit, dans le Canal, en temps de guerre comme en temps de paix, au libre transit de leurs navires de commerce, de leurs navires de guerre et même des prises convoyées par ceux-ci. — Toutes ont droit à un traitement égal ; aucune ne pourra rechercher des avantages particuliers, territoriaux ou commerciaux. — En aucun cas, le Canal ne sera assujetti à l’exercice du droit de blocus. — Aucun acte de guerre ne pourra être accompli sur le parcours du Canal, ni sur ses bords, ni dans un rayon de trois milles de ses deux entrées. — Ces navires de guerre ne pourront séjourner ni dans le Canal, ni dans les ports d’accès, sauf les cas de force majeure. Il leur est interdit d’y débarquer ni troupes, ni munitions, ni matériel de guerre. — Si deux navires ennemis se suivent dans le Canal, un intervalle de vingt-quatre heures devra séparer leur sortie. — D’autres dispositions limitent strictement pour les belligérans le droit à se ravitailler sur le parcours du Canal et dans ses dépendances.