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toutes les améliorations, à tous les perfectionnemens dont a bénéficié le service du Canal : rectifications de tracé, élargissement des berges, dragage des fonds, organisation de l’éclairage de nuit, qui réduit de moitié la durée du parcours et double l’utilité de cette voie. Le chapitre sur l’Œuvre sociale de la Compagnie démontre que celle-ci n’est restée étrangère à aucune des préoccupations d’humanité qui sont l’honneur de notre époque : organisation du service sanitaire et médical ; fondation d’hospices, de salles d’asile, d’écoles ; création des caisses de retraites ; indemnités de logement, de mariage, de voyage, pour les employés ; participation de ceux-ci aux bénéfices, pour une somme qui, aujourd’hui, ne s’élève pas à moins de 16 millions. Les deux chapitres sur l’histoire des titres de la Compagnie, — actions, obligations, parts de fondateur, parts civiles, — et sur l’avenir commercial de l’entreprise, avec une grande abondance de statistiques, de tableaux, de graphiques, sont fort instructifs et d’un intérêt tout pratique.

L’examen de la situation actuelle, l’appréciation de l’œuvre économique, financière, sociale, accomplie sous les auspices de Lesseps, donne la même impression que l’histoire de ses luttes contre la rivalité saint-simonienne, contre la timidité des Khédives, les tergiversations de la Porte, l’hostilité multiforme de l’Angleterre, contre la résistance des roches ou la mobilité des sables, contre les intrigues des spéculateurs ou les chantages de la presse, contre tant de fléaux, plus nombreux que tous ceux que Moïse déchaîna autrefois sur la terre d’Egypte. On sent en Ferdinand de Lesseps l’homme merveilleusement doué au physique comme au moral, armé de toutes pièces pour mener à bonne fin une entreprise compliquée de difficultés si diverses, d’une intelligence lucide pour découvrir aussitôt les solutions les plus pratiques, de prompte résolution pour les mettre aussitôt en vigueur, capable d’enthousiasme comme un saint-simonien des premières heures, de précision comme un ingénieur, de finesse, de patience comme un diplomate, surtout d’une volonté capable de dompter toutes les résistances et de briser tous les obstacles. On comprend mieux que les infortunes et même les erreurs des dernières années n’aient en rien diminué l’admiration ou découragé les dévouemens qui s’attachèrent tout d’abord à sa personne et qu’il tint en haleine pendant trente années de luttes heureuses et de victoires. La devise qu’il emprunta à Gœthe et