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Pendant les guerres civiles qui désolèrent le Japon sous les shogouns Yeyasou et Yemitsou, contemporains de Richelieu et de Mazarin, personne n’eut le loisir de réveiller la question des droits sur la Corée, d’autant moins que cet État avait pris la précaution d’envoyer à la cour de Tokyo une ambassade, en même temps qu’il adressait chaque année les complimens et les présens rituels à celle de Pékin. Il était facile de prendre cette politesse, un peu trop prudente, pour une reconnaissance de vassalité, et on entretint ainsi, dans l’archipel, la croyance à un droit « historique » sur le Pays du Matin Calme.

Vers le milieu du siècle dernier, les Blancs forcèrent à coups de canon les portes hermétiquement fermées du monde jaune. L’expédition de 1860-1861 démontra la paralysie militaire de la Chine. Les Japonais, pour éviter un sort pareil à celui qu’ils prévoyaient réservé à leur voisine, abolirent le régime féodal (1867-1868) et se transformèrent fiévreusement en État à l’instar de l’Europe et de l’Amérique. Le nouveau gouvernement, assailli par les sacrifiés et les mécontens, qu’il ne pouvait satisfaire chez lui, se laissa entraîner par eux sur le terrain où ils lui livraient bataille, et commença, dès 1873, une politique coréenne, fort peu respectueuse du droit des gens et de la correction diplomatique, dont l’achèvement fut un partage avec la Chine de suzeraineté sur la Corée (1885), puis, en 1894, la querelle, absolument inique, dénouée par la déclaration de guerre à la Chine.

Immédiatement, le 6 août 1894, le Japon conclut une alliance offensive et défensive avec la Corée. Le 8 mai 1895, il contraignit la Chine à reconnaître l’indépendance de cet État par l’article premier du traité de Simonosaki. Mais il eut bien soin de ne pas souscrire lui-même à ce chapitre nouveau du droit international. Maître des services postaux et télégraphiques, il agita le pays sans relâche, fit ou laissa assassiner la reine Taou-Lang-Dao, le 8 octobre 1895, mit le roi dans l’impossibilité de gouverner, et le réduisit à chercher un asile à la Légation russe de Séoul, le 8 janvier 1896. En même temps, il assurait sa position dans le pays en y introduisant près de 25 000 de ses nationaux, et en accaparant le plus possible des moyens d’y créer la richesse, grâce à la présence de deux lignes de postes militaires tendues de Chemoulpo à Séoul et Gensan, et de Fousan à Séoul, Pyng Yang, et Ouidjiou sur le Yalou.

La Russie résolut la difficulté présente et réserva l’avenir en obligeant le Japon à signer la convention Yamagata-Lobanoff à Moscou, le 28 mai 1896, et la convention Rosen-Nishi à Tokyo, le 25 avril 1898. Par ces deux actes, les gouvernemens contractans reconnurent et