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Fouché fit plus. Les nouveaux plénipotentiaires nommés sur sa désignation par la Commission exécutive partaient ce soir-là pour le quartier général de Wellington : il leur donna comme instructions secrètes de livrer Napoléon à l’Angleterre ou à l’Autriche, si cette proposition devait engager les alliés à conclure un armistice.

La présence de l’Empereur à la Malmaison continuait cependant d’inquiéter gravement le président de la Commission exécutive et le ministre de la Guerre. Ils le voulaient tenir prisonnier à l’île d’Aix plutôt que dans le voisinage de Paris. Davout envoya ce jour-là une nouvelle dépêche au général Beker pour lui enjoindre de presser l’Empereur de partir et pour lui prescrire, si cette démarche restait vaine, d’augmenter les mesures de sûreté autour de la Malmaison. « Si l’Empereur, écrivait Davout, ne prenait point une résolution, vous exerceriez la plus active surveillance, soit pour que Sa Majesté ne puisse sortir de la Malmaison, soit pour prévenir toute tentative contre sa personne. Vous feriez garder toutes les avenues qui aboutissent de tous les côtés vers la Malmaison. J’écris au premier inspecteur de gendarmerie et au commandant de la place de Paris de mettre à votre disposition la gendarmerie et les troupes que vous pourriez lui demander. Toutes ces mesures doivent être prises dans le plus grand secret possible. Je vous réitère que cet arrêté a été entièrement pris pour l’intérêt de l’Etat et la sûreté personnelle de l’Empereur. Sa prompte exécution est indispensable. Le sort futur de Sa Majesté en dépend. » — Dans cette dernière phrase, il y avait, en vérité, une ironie cruelle.


III

L’Empereur était irrévocablement résolu à rester à la Malnaison tant que les frégates n’auraient pas l’ordre d’appareiller aussitôt après son arrivée au port. « Annoncez, dit-il à Beker, que je renonce à ce voyage, parce qu’en arrivant à Rochefort, je me considérerai comme prisonnier, mon départ pour l’Amérique étant subordonné à l’arrivée de passeports qui sans doute me seront refusés... Je suis déterminé à recevoir mon arrêt ici. J’y resterai en attendant qu’il soit statué sur mon sort par Wellington, à qui le gouvernement peut annoncer ma résignation. » En vain on le pressait de partir, on lui représentait les dangers