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mises à la disposition de Napoléon. Rien maintenant ne met obstacle à son départ. L’intérêt de l’Etat et le sien exigent impérieusement qu’il parte aussitôt après la notification que vous allez lui faire de notre détermination. M. le comte Merlin doit se joindre à vous pour cette mission. »

On trouva Decrès au ministère de la Marine ; mais Merlin était déjà couché, et l’âge, la richesse, les honneurs avaient rendu très craintif cet ancien conventionnel. Son portier parlementa à travers les carreaux de la loge. Merlin, réveillé en sursaut, ne crut pas qu’on pût le mander à pareille heure à la Commission du gouvernement. Il soupçonna un guet-apens et fit déclarer par sa femme elle-même qu’il « n’était pas rentré et qu’elle ignorait où il était allé passer la nuit. » Pour remplacer Merlin, Fouché pensa à un autre ministre d’Etat, Boulay de la Meurthe. Boulay, moins défiant, se leva à l’instant, rejoignit Decrès et partit avec lui longtemps après minuit.

Ils arrivèrent à la Malmaison le 29 juin au point du jour. Arrêtés par les « Qui-vive ? » des sentinelles, ils se firent reconnaître de l’officier commandant le poste et furent introduits au château. On réveilla l’Empereur, qui les reçut en robe de chambre. Les deux ministres lui communiquèrent les nouvelles instructions de Fouché, en vertu desquelles les frégates étaient mises à sa libre disposition. Decrès l’engagea à partir sans délai, la cavalerie ennemie se trouvant à proximité. Boulay, très ému, insista de même sur la nécessité d’un prompt départ. L’Empereur ne fit pas d’objection ; il dit qu’il partirait dans la journée.


IV

Le matin, l’Empereur donna ses ordres pour son départ, mais sans fixer l’heure, et il envoya l’officier d’ordonnance Résigny faire une reconnaissance vers la Seine. Celui-ci, à son retour, sur les neuf heures, trouva l’Empereur en conférence avec Joseph, Bassano et Lavallette, arrivés tous trois de Paris. Le général Flahaut assistait aussi à l’entretien. L’Empereur avait commencé par annoncer son départ. « J’ai fait tout ce qu’on a voulu, dit-il. Voici les lettres du gouvernement provisoire et du ministre de la Marine. Les difficultés qu’ils m’ont faites pour me donner deux frégates armées m’ont retardé jusqu’à ce moment. C’est leur faute si je ne suis pas parti plus tôt, mais je partirai aujourd’hui. » Il