Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/785

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échanges d’hommes et de marchandises se sont faits entre les deux pays. Un excellent climat, semblable à celui des îles nippones, une ferre fertile peuplée d’une race sans énergie qui la cultive à peine, une côte orientale semée de havres et d’abris sûrs, une côte occidentale avec des pêcheries très prospères et des rizières magnifiques, une position stratégique de premier ordre qui commande tout le golfe du Pet-chi-li et les mers de la Chine et du Japon, voilà tous les avantages que les Japonais trouveraient en Corée. Les Nippons sont nombreux dans tout l’Empire du Matin calme, surtout dans les ports ouverts ; ils y exercent une foule de petits métiers, et plusieurs y tiennent une place importante parmi les commerçans ; mais dans les villes, à Séoul, par exemple, la plupart d’entre eux constituent une tourbe populaire prête à toutes les révolutions et même à des crimes comme l’abominable assassinat de la reine, ostensiblement préparé par les Japonais et qui a fait tant de tort à leur prestige. Quoi qu’il en soit, ils ont en Corée des intérêts si considérables qu’ils ne sauraient, sans risquer de voir fermer toute issue à leur émigration et à leur commerce, renoncer à y exercer une action politique prépondérante ; ils ont besoin tout au moins d’être assurés qu’aucune autre puissance ne s’y pourra établir. Au delà du large pédoncule qui relie la Corée au continent, s’étendent les riches plaines de la Mandchourie, que les Japonais, en 1894-1893, ont parcourues en vainqueurs, qu’ils avaient commencé à organiser en provinces japonaises et où ils espéraient trouver une terre merveilleuse de colonisation et d’expansion. Le maître de la Mandchourie est, par terre, à peu de distance de Pékin ; il est à portée d’exercer sur la capitale du Céleste-Empire une influence décisive. La Corée, la Mandchourie, l’hégémonie de la Chine du Nord, tel est l’enjeu de la partie que jouent, à l’heure actuelle, les diplomates de la Russie et du Japon.

Ainsi, au sentiment profond de jouissance que donne à un peuple cette pleine conscience de sa vie nationale que les succès militaires seuls sont de nature à procurer, au plaisir, naturel à un État jeune et à une race imitatrice, d’étonner le monde et de parader sur le devant de la scène, se joignent des besoins économiques urgens et essentiels. La politique japonaise, parfois incohérente et parfois éprouvée par les contre-coups d’agitations intérieures, a toujours été une politique consciente des grands intérêts du pays. Peut-être au moment d’aboutir au duel depuis