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Et lorsqu’on revint au gîte, à la brune,
Dans la nuit sans lune,
Des reines-des-prés le pouvoir subtil
Avait d’un fil d’or lié pour la vie
Mon âme à la vôtre asservie...
— Amie aux yeux clairs, vous en souvient-il ?

LE MERLE D’EAU


Hardi plongeur, ô merle d’eau,
Le soleil d’août au milieu de sa course
A beau flamber à travers le rideau
Des arbres penchés vers la source.
Tu sais où trouver la fraîcheur
O merle d’eau, hardi plongeur !

Ruisselans de clarté, les pics des Pyrénées
Découpent sur l’azur leurs cimes calcinées,
La pierre brûle et la terre se fend.
Le lézard vert sommeille sous les ronce»,
L’air est en feu... Toi, tu t’enfonces
Dans la profondeur du torrent.

O volupté ! Sous l’eau vierge et sonore,
Que l’ombre des tilleuls teinte d’un bleu d’acier,
Remonter le courant très loin, plus loin encore,
Jusqu’aux gradins du cirque altier
Où la cascade, ainsi qu’une blanche épousée
Déroulant les longs plis de sa robe irisée,
Descend des hauteurs du glacier...

Bel oiseau montagnard, cette joie est la tienne !
Après ton bain mystérieux.
Tu sors gaillard de l’eau céruléenne,
L’aile à peine mouillée et le duvet soyeux
Puis, avec un cri de triomphe et d’aise,
Rasant les talus aux senteurs de fraise,
Vers le gave écumant tu voles de nouveau.
Hardi plongeur, o merle d’eau !