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IMPRESSIONS D’HIVER


Comme je regardais le givre, ce matin,
Etoiler les rameaux des arbres et la mousse,
Un oiseau familier s’est approché soudain.
Frileux, ébouriffant sa gorgerette rousse,
Du haut de son perchoir Autant un chant menu,
Très tendre, il m’envoyait une amicale aubade...
Et je t’ai de loin reconnu.
Rouge-gorge, mon camarade !

Parmi les brins verts d’un genêt,
Ta tête qui dodelinait
Et ton œil noir semblaient me dire :
« Mon pauvre ami, tu te fais vieux,
La neige a blanchi tes cheveux
Et ta bouche ne sait plus rire... »

O rouge-gorge, enfant gâté.
Toujours brave hiver comme été,
Tu n’as pas changé, toi ! Tu gardes
Ton plumage au fauve collier.
Ta mine espiègle d’écolier,
Ton sang vif, tes amours gaillardes,

Ta câline et souple chanson
Vibre de la même façon
Qu’aux jours de ma prime jeunesse,
Et lorsque résonne ta voix.
Je sens mon cœur, comme autrefois,
S’emplir de la même allégresse.

O fortunés oiseaux chantans.
On croirait que les coups du temps
Vous épargnent... Je vous envie !
Aux eaux de Jouvence, la main
D’un dieu semble tremper sans fin
Le fil ténu de votre vie,

Nous autres, nous voyons nos fronts
Se dégarnir, et nous pleurons