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Ils font du sol natal la force et la beauté ;
Que chacun d’eux par nous soit dignement chanté :

Loués soient les grands plus dont les aiguilles grises
Soupirent comme un luth plaintif au vent du soir,
Et les sapins pareils à des flèches d’églises,
Qui répandent dans l’air une odeur d’encensoir.

Louons les chênes fiers et branchus !… Sous leur voûte,
À midi, le soleil glisse à peine un trait d’or
Fugace ; l’eau du ciel y filtre goutte à goutte
Et la source à leurs pieds noueux prend son essor.

Elle s’épanche et donne à toute créature
Un renouveau de sève et de jeune vigueur ;
Louons donc la belle eau chaste, chantante et pure
Qui féconde la terre et qui nourrit la fleur.

Louons aussi le hêtre où la faîne foisonne,
Le hêtre, gai décor des massifs forestiers ;
Et le dur châtaignier dont les fruits, à l’automne,
Pleuvent, bruns et luisans, dans l’herbe des sentiers ;

Et le bouleau qui tremble aux marges des allées,
Le pliant noisetier et le saule argenté.
Et le tilleul avec ses corolles ailées
Qui semblent la suave haleine de l’été

Au peuple merveilleux des arbres, los et gloire !
Pour rendre à chacun d’eux un culte solennel,
Près de la source vive où les oiseaux vont boire.
En plein cœur de futaie, élevons un autel.

Entourons-le, tenant en main comme des palmes
Les rameaux verts coupés aux plus mélodieux ;
Et parmi la feuillée altière des bois calmes.
Selon le rite antique et cher à nos aïeux,

Versons, amis, versons dans nos rustiques verres
Les breuvages dont les Sylvains ont le secret :
Les sucs de la myrtille et ceux des primevères ;
Puis portons tous un toast vibrant à la Forêt :