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soit dans les sciences morales, soit en mathématiques, soit en philosophie, un examen plus difficile qu’une de nos licences. Londres conférait des degrés en médecine, en loi, en musique, en littérature, comme les anciennes universités. Tandis que la science, à Oxford et à Cambridge, se confondait dans la Faculté des arts, elle obtenait, à Londres, une existence distincte, consacrée par une hiérarchie de degrés, aboutissant au doctorat, pour l’obtention duquel on exigeait un travail personnel et original. Londres ne donnait point de degrés en théologie : ce qui la constituait indépendante de tous les cultes et assurait sa laïcité absolue. Elle ne conférait jamais aucun de ces degrés honorifiques que les autres Universités ont prodigués et qui ont contribué, dans une certaine mesure, à avilir leurs diplômes.

La charte de 1837 a été retouchée maintes fois, en 1850, en 1858, en 1863, en 1868, en 1878. Il me semble inutile d’entrer dans aucun détail à propos de ces modifications successives. Elles portent, de la façon la plus curieuse et la plus manifeste, les traces d’une lutte que l’on retrouvera partout lorsqu’on étudiera l’histoire de l’évolution politique et sociale des Anglais au milieu du XIXe siècle. Je veux dire la lutte entre l’esprit organisateur qui est naturel à cette race et la tendance décentralisatrice préconisée par l’école dominante et où l’Angleterre, alors en pleine prospérité, semblait se dissoudre, s’éteindre de la plus douce des morts, après s’être ouvert les quatre veines dans un bain de richesse et de philosophie.

En effet, les deux collèges affiliés étaient rendus à leur existence individuelle, tandis que l’Université de Londres s’agrégeait les établissemens les plus lointains et les plus disparates. Une université australienne et un collège canadien figuraient sur cette liste, qui ne constituait aucun lien réel entre ces établissemens, ni aucun privilège substantiel en leur faveur, puisque tout individu, âgé de seize ans au moins, qu’il fût autodidacte ou qu’il sortît d’une « usine » (cramming shop), pouvait se présenter aux examens de l’Université de Londres. Les femmes, encore exclues des vieilles Universités, obtenaient l’accès à ces mêmes examens, et l’égalité absolue des diplômes pour les deux sexes était proclamée en 1878.

En bien des choses, l’Université de Londres semblait avoir à cœur de se défaire de tout ce qui pouvait la localiser, la particulariser. Cependant, d’autres signes faisaient pressentir qu’une sorte