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connues. Ceux-là mêmes qui savent, et le nombre n’en est peut-être pas très grand, que Mme de Maintenon survécut de quatre années à Louis XIV, croient assez volontiers qu’elle était tombée dans une sorte d’enfance, et le récit, souvent reproduit, qu’on trouve dans Saint-Simon de la visite que lui fit le tsar Pierre le Grand, où, l’ayant trouvée couchée, il l’aurait contemplée, sans mot dire, comme un objet de curiosité, n’a pas peu contribué à fixer cette légende. La vérité, c’est qu’elle demeura, au contraire, maîtresse de toutes ses facultés jusqu’à la fin, ne cessant de témoigner aux personnes qu’elle continuait d’aimer la même affection, et de prendre à certaines affaires le même intérêt.

Des documens qu’on peut presque considérer comme inédits[1] vont nous permettre de la faire revivre sous les yeux de nos lecteurs durant cette dernière période de sa vie. Depuis le lendemain de sa retraite à Saint-Cyr, elle entretint avec sa célèbre nièce, la comtesse de Caylus, un commerce suivi de lettres qui sont presque des journaux. On y voit quelles étaient ses occupations et ses préoccupations quotidiennes ; on y trouve des jugemens, marqués au coin du bon sens, sur les hommes et sur les choses. La tête, on le sent, est restée bonne, et, jusqu’au bout, elle a mérité l’hommage que lui adressait Louis XIV lorsqu’il l’appelait : « Votre Solidité. »

Cet échange de correspondance nous donnera aussi l’occasion de montrer l’aimable nièce de Mme de Maintenon sous un jour assez nouveau. De même, avons-nous dit dans une précédente étude sur Mme de Maintenon[2], qu’il y a des personnes qui apparaissent à la postérité toujours vieilles, et Mme de Maintenon est du nombre, de même il y en a qui lui apparaissent toujours jeunes, et Mme de Caylus est du nombre également. Nous avons quelque peine à nous la représenter avec d’autres traits que ceux sous lesquels elle se montre dans ses Souvenirs, c’est-à-dire mêlée à tout le mouvement de la cour de Louis XIV, à l’époque encore

  1. Nous avons eu entre les mains deux gros volumes contenant en original ou en copie la Correspondance de Mme de Maintenon et de Mme de Caylus, dont une partie seulement a été publiée, inexactement, par La Beaumelle. Le volume qui contient la copie des lettres de Mme de Maintenon nous a été obligeamment prêté par les héritiers de Lavallée. La garde du volume porte la mention suivante : « Ce livre est à Mme d’Aumale. » Le volume qui contient les originaux des lettres de Mme de Caylus provient des Archives de Mouchy, que M. le duc de Mouchy nous a libéralement ouvertes.
  2. Voyez la Revue du 15 décembre 1901.