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heureuse et brillante. Mme de Caylus subit cependant l’inévitable loi de nature. Elle vieillit, pas très tard à la vérité, puisqu’elle ne survécut que de dix années à Mme de Maintenon et mourut à cinquante-huit ans. Mais depuis la mort de Louis XIV, c’est-à-dire depuis quatorze ans déjà, elle vivait dans la retraite à Paris, absorbée dans des préoccupations fort différentes de celles qui avaient rempli sa jeunesse, alors que l’éclat trop grand d’une conduite irrégulière l’avait fait bannir d’une cour cependant peu sévère ; mère passionnée de deux enfans dont, avant tout, elle avait à cœur la fortune et l’avenir ; mère de l’Eglise aussi, vivant d’une vie pieuse, et prenant parti avec ardeur dans les dissensions qui déchiraient alors l’épiscopat. Avant de tirer de cette double correspondance ce qu’elle peut contenir d’intéressant au point de vue de l’histoire de Mme de Maintenon elle-même, nous voudrions montrer Mme de Caylus dans cette seconde phase de sa vie, après avoir brièvement rappelé combien différens furent ses débuts. Nous croyons qu’elle y apparaîtra encore revêtue de quelques charmes, et d’ailleurs le repentir, lorsqu’il est sincère, et lorsqu’il a devancé l’âge où le péché serait devenu impossible, ne semble-t-il pas ajouter parfois quelque chose aux grâces d’une femme ?


I

Marthe-Marguerite le Valois de Villette de Mursay naquit, le 17 avril 1671 (et non pas 1673 comme le disent la plupart des notices), au château de Mursay dont j’ai, en écrivant, une gravure et une description sous les yeux. Ce château, qui venait d’Agrippa d’Aubigné, l’arrière-grand-père de Marthe-Marguerite, était une vieille gentilhommière « assise en un marécage qu’un coteau abrupt domine, circonscrit par la Sèvre et par un rameau qui s’en détache pour la rejoindre presque aussitôt... A l’intérieur les pièces vastes et nues exhalent comme un parfum froid d’austérité huguenote. Quelques immenses cheminées ont gardé leurs vieilles plaques de fonte écussonnées aux trois croissans et aux trois roses des Villette[1]. »

Dans ce château, Mme de Maintenon avait passé les premières années de son enfance. C’était là que la marquise de Villette.

  1. Françoise d’Aubigné, par M. Henri Gelin, p. 38.