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Si j’étais l’historien de Marie-Antoinette, j’en serais à la partie la plus intéressante de mon ouvrage ; j’aurais à la montrer aux prises avec la plus cruelle adversité qui fut jamais et la soutenant avec une force et une égalité d’âme plus grandes encore que ses revers ; je pourrais faire admirer ce courage qui, le 6 octobre 1789, en imposa à une populace furieuse et qui, dans ce monstrueux interrogatoire qui fait frémir à la fois l’humanité et la nature, répandit un si grand éclat sur ses derniers momens. Je la suivrais aux Tuileries, à Varennes, au Temple, à la Conciergerie, sur l’échafaud, et partout on reconnaîtrait la digne fille de Marie-Thérèse. Mais c’est à de meilleures plumes que la mienne à tracer ces grands tableaux. Je n’ai voulu que payer ma dette envers la postérité, en lui faisant voir l’infortunée Marie-Antoinette telle qu’elle était. J’ai défendu son caractère que l’on a peint méchant et qui était bon, généreux et bienfaisant. Je n’ai point flatté ses fautes, mais j’ai fait voir que les unes ne sont pas prouvées, et que les autres sont excusables. Si mon ouvrage est lu de mes contemporains, s’il en fait revenir quelques-uns de leurs préjugés sur Marie-Antoinette, si surtout la postérité préfère le jugement d’un témoin souvent oculaire et toujours désintéressé, à ceux qui ont été dictés par l’esprit de parti ou par une haine irréfléchie, je serai plus que payé de mon travail.


LOUIS.