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CHANT DE LA FILEUSE


A travers les vitraux le jour pâli s’éteint ;
Tissez, fuseaux, tissez ce long voile fragile,
Que sous mes doigts, sans fin, tourne la roue agile…

Et la lune sourit d’un sourire incertain.

Tissez, fuseaux, tissez l’or et le blanc satin !
Que sous mes doigts, sans fin, tourne le fil docile !…
L’étoile s’est dorée. — O ma main, file, file
Ce tissu transparent comme le doux matin !

Que ce voile soit grand à remplir mes corbeilles,
Léger comme les fleurs où puisent les abeilles,
Que des ailes d’oiseaux plus frémissant encor ;

Plus doux que les ruisseaux où le zéphyr se pose,
Qu’il soit tout parfumé de lilas et de rose,
Quand on l’agitera, qu’il ait des reflets d’or !


A LA VIERGE


Sur tes autels fleuris, dans le silence et l’ombre,
Tu rêves dans tes voiles blancs,
Et les pâles clartés et les rayons tremblans
Argentent la lumière sombre…

Le jour se brise et meurt au vitrail ruisselant,
Et rouge, empourpre la pénombre,
Dans le parfum des lys et des roses sans nombre,
Et de l’orgue au cantique lent….

Le pas lointain résonne et fait gémir les pierres,
Et fait vibrer l’écho qui dort,
Et fait trembler au bruit le doux flot des lumières…

Toi, les yeux demi-clos et sous les vitraux d’or,
Tu rêves dans l’ombre bleuâtre,
Et la fleur endormie orne ton pied d’albâtre.


ANTONINE COULLET.