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produirait sur la Chambre une impression profonde et probablement décisive : mais aujourd’hui tout glisse ou s’évapore en fumée.

Reste le cas de M. Mascuraud. M. Colin s’en explique, mais ne soumet à ce propos à la Chambre aucun projet de résolution. L’incident Mascuraud mérite toutefois d’être relevé, non seulement parce qu’il a été, s’il est permis de le dire, le côté gai de l’enquête, mais parce qu’il en reste quelque chose de très instructif. Nous avons déjà, il y a quinze jours, fait connaître le personnage. On sait qu’il préside un comité et qu’il tient une caisse vers laquelle deux ministères successifs ont dirigé ceux de leurs amis qui, spontanément ou non, avaient à faire des dons d’argent pour le succès de la cause qu’ils représentaient eux-mêmes au pouvoir. M. Chabert avait 100 000 francs à consacrer à cette cause, mais il ne savait où aller les. mettre : on lui a dit d’aller au comité Mascuraud. Il l’a fait, et, à partir de ce moment, son nom est devenu très dangereux à prononcer. M. Millerand a conseillé à M. Combes de le garder pour lui seul comme un redoutable secret d’Etat, et vous voyez bien qu’il avait raison, dit M. Colin avec plus d’ingénuité qu’il n’en montre dans le reste de son rapport, puisque, aussitôt qu’il a été découvert, M. Mascuraud a été livré à « la malignité publique, » le pauvre homme ! ainsi que ses auxiliaires « aussi désintéressés que précieux. » La Commission s’est fort attendrie sur le sort de M. Mascuraud, à partir du moment où sa modestie naturelle a été violée. Ce sont là des désagrémens inévitables, on nous permettra de n’y pas compatir ; mais il y a eu, en outre, un incident imprévu, presque une aventure, dont M. Mascuraud a été le héros après avoir failli en être la victime. Il vaut la peine d’en parler.

La Commission, avons-nous dit, a chargé M. le garde des Sceaux du soin de tirer au clair la tentative d’escroquerie contre les Chartreux : elle admet donc la réalité de cette tentative, que les Chartreux ont d’ailleurs reconnue dans une brochure dont on leur attribue l’inspiration. Si le fait est exact, nous avouerons à notre tour que les Chartreux auraient été mieux inspirés en ne disant rien, ou que, après avoir dit quelque chose, ils auraient agi plus correctement en disant tout. Mais ils s’y sont refusés, sous prétexte qu’ils ne pouvaient fournir aucune preuve de l’exactitude de leurs allégations. Un député de l’Isère, M. Pichat, qui, après avoir été leur architecte est resté en bonnes relations avec eux, s’est mis à la disposition de la Commission pour se rendre à Pignerol, y voir les Pères, et user sur eux de toute son influence pour les déterminer à parler. Il estimait qu’au point où on en était, les Chartreux se nuisaient dans l’opinion en gardant le silence.