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Cela posé, la condition des ouvriers est à peu près identique dans les deux branches d’industrie. Les surveillans sont, dans la filature du jute, ce qu’ils sont dans la filature du lin. Les hommes de peine font le travail de magasin, ils ont à manier des balles de 180 kilos, mais ne supportent point d’ailleurs de fatigue excessive. De même pour les ouvriers employés au triage et à l’ensimage. Le travail des étaleuses consiste à ouvrir et à distribuer, d’une façon égale et régulière, les poignées de jute, sur une toile en mouvement ; c’est une besogne continue, sans être trop précipitée. Les soigneurs, qui sont de jeunes garçons, veillent à ce que le ruban de jute qui sort de la carde étaleuse aille bien s’empiler dans le pot en tôle où il doit être reçu ; à changer ce pot dès qu’il est plein, et à aller le chercher ou le repoussera à une distance de quelques mètres. Les garçons de rouleaux mettent ensuite, à l’aide d’une petite machine, ces rubans de matière dégrossie en rouleaux que les cardeuses prennent pour les passer à la carde ; ils se déroulent et se transforment en rouleaux de matière plus affinée, qu’à leur tour d’autres jeunes garçons empilent dans d’autres pots en tôle ; ce sont, comme les autres, des soigneurs et, comme les autres, ils ont prêté plus d’attention que d’effort. Les travaux accessoires du moulin, de la briseuse ou teaser, le travail des graisseurs, sont eux aussi sans fatigue. Il en est des étirageuses, dans la filature du jute, ainsi que dans la filature du lin ; avec plus de facilité peut-être, et moins ou pas du tout de poussière. De même encore des banc-brocheuses et soigneuses à l’étirage, des cardeuses et étirageuses d’étoupes. En revanche, les fileuses de jute ont, pour le même travail, plus de peine que les fileuses de lin, la matière étant plus cassante ; et, comme elles, les démonteuses et metteuses en ordre, tandis que les dévideuses, bobineuses et épeleuses n’ont que le même travail, et pas plus de peine.

Voici, en regard, les salaires. Un manœuvre gagne de 17 à 19 francs ; un ouvrier à l’ensimage, de 24 à 28 francs ; un surveillant aux préparations, de 18 à 27 francs par semaine. Tous, excepté deux ou trois, sont majeurs. Les étaleuses, majeures et mineures, reçoivent de 12 à 14 francs ; les soigneurs, gamins de 13 ans et demi à 16 ans, touchent 7 fr. 50 ; les garçons de rouleaux, entre 14 ans et 19, de 8 fr. 50 à 15 francs. Les cardeurs, tous mineurs aussi, entre 15 et 18 ans, gagnent de 8 fr. 50 à 11 fr. 50 ; au moulin, les deux extrêmes, un ouvrier, de 19 ans,