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des Pays-Bas jusqu’à l’Escaut[1]. « C’est là, assurément, le maximum de tous les vœux que nous puissions former, » conclut Nesselrode, et il ne faut pas oublier qu’ils sont encore sur la Vistule ; « ces vœux ne sauraient être réalisés sans le concours de l’Autriche et de la Prusse. Le développement extérieur de notre plan est donc subordonné aux dispositions que feront paraître ces deux puissances ; il ne pourra se dérouler qu’au fur et à mesure que celles-ci se prononceront ; par conséquent, les résultats auxquels nous devons tendre seront aussi plus ou moins limités. Ils consistent… à arracher à la domination de la France le plus de pays possible. »

Le 6 janvier 1813, Alexandre écrit à Frédéric-Guillaume. Ce sont des effusions de magnanimité, mais très politiques, et où chaque mot est pesé, dépouillé adroitement de ce qu’il ne doit pas dire. « Par ma religion, par mes principes, j’aime à payer le mal pour le bien, et je ne serai satisfait que quand la Prusse aura repris toute sa splendeur et toute sa puissance. Pour y parvenir, j’offre à Votre Majesté de ne poser les armes que quand ce grand but sera atteint. Mais il faut que Votre Majesté se joigne franchement à moi… Jamais décision n’a été plus importante que celle que vous allez prendre. Elle peut sauver l’Europe ou la perdre à jamais… » Il ajoute : « J’espère que le général York, en acceptant les conventions que je lui ai fait proposer, a agi dans le sens des intentions de Votre Majesté. Je ne saurais assez vous exprimer, Sire, le plaisir que j’éprouve en pensant que mes troupes n’ont plus à combattre les vôtres. »


V

Quand cette lettre parvint à Frédéric-Guillaume, il n’était plus à Berlin. Il avait, non sans hésitation, suivi le parti que lui recommandait Metternich, que lui conseillait Hardenberg, et décidé de se retirer à Breslau, dans sa fidèle Silésie. Hardenberg disposa ce départ, dans le plus grand secret, comme une évasion. Il enleva, pour ainsi dire, son maître, en l’assurant qu’Augereau allait investir Potsdam et l’arrêter. Le Roi partit le 22 janvier, au

  1. C’est bien ainsi que l’entend M. de Martens dans son commentaire : « Refouler la France dans ses anciennes limites entre le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et l’Escaut » ; « Faire rentrer la France dans ses anciennes frontières historiques. » Traités de la Russie, t. III, p. 95 ; t. VII, p. 63.