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républicains, comprennent que le nouveau gouvernement doit être fort, non contre la nation, mais contre l’envahisseur, et travaillent, au lieu de diviser les Français par la politique, à les unir par le patriotisme[1].

Autour de ces régions, d’autres moins immédiatement menacées, la Flandre, la Picardie, la Beauce, l’Anjou, le Maine, la Normandie, la Bretagne, se partagent la vaste plaine qui forme la France du Nord. Sur elle encore passe le frisson de la guerre comme un de ces souffles qui courent sans obstacle du Rhin à l’Océan ; aux armées aussi (elle se sait ouverte. Les bataillons de mobiles où est assemblée sa jeunesse font dans Paris ou autour de la capitale face à l’ennemi. Le cœur de ceux qui restent est avec ces absens. Il n’a jamais battu pour la politique. Matelots et paysans de ces races sérieuses ont un instinct commun de défiance contre cette puissance, pour eux occulte, décevante, hors de portée. Ceux du littoral n’attendent pas que nul gouvernement transforme le ciel rude, la terre pauvre et l’océan redoutable. Ils savent les élémens dont ils dépendent inaccessibles aux lois des hommes. C’est à l’auteur de la nature qu’ils se sentent soumis eux-mêmes : la conscience de l’infini qui sépare sa force et leur faiblesse leur a appris non la révolte, mais la prière. Et, comme si l’indigence de leur condition s’étendait à leurs espoirs, ces pauvres d’esprit, satisfaits pourvu qu’à risquer chaque jour leur vie ils trouvent le pain quotidien, sont les plus étrangers des hommes à l’orgueil et à l’envie révolutionnaires. Cette modestie de désirs dépose en leurs âmes, avec le courage et la patience, une richesse incorruptible comme

  1. M. Tirman, préfet des Ardennes : « Les préoccupations politiques s’effacent devant les désastres dont notre pays est le théâtre… Je ne crois pas qu’il soit utile de faire beaucoup de modifications dans le personnel des maires. L’ancien préfet M. Froy avait pour principe de se laisser guider par le choix des populations. » Id. 786. Le préfet de l’Aube, Lignier-Pougy, ancien représentant de 1848 : « Troyes, 12 septembre. Pas un seul des maires actuels n’entrave et n’entravera les travaux de la défense nationale. S’il n’est pas permis d’en attendre un concours ardent, ceux qui les remplaceront ne feront pas mieux. Ce qu’il y a, selon moi, de plus utile et de plus praticable à faire aujourd’hui dans mon département. c’est de nommer maire provisoire le premier inscrit au tableau du Conseil municipal, et, à son refus, de laisser au Conseil lui-même le soin de le choisir dans son sein. » — « 17 septembre. La présence de l’ennemi, la durée et les charges de la guerre sont aujourd’hui la seule préoccupation des populations dans mon département. Le gouvernement n’y rencontre aucune hostilité : les hommes les plus connus par leur hostilité contre la République s’effacent et se taisent. Mois, d’un autre côté, il ne se manifeste en sa faveur ni enthousiasme ni ardeur de la part même du parti démocratique. C’est un affaissement général. » Id. 700,.