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HERBERT SPENCER
ET
LA PHILOSOPHIE DE LA VIE

Le 14 décembre dernier, au Crématorium de Golden Green, on a incinéré la dépouille d’Herbert Spencer : des éloges convenus lui ont été décernés dans des discours nécessaires ; un Hindou a offert vingt-cinq mille francs pour créer à l’Université d’Oxford, où Herbert Spencer n’avait jamais enseigné, une chaire portant le nom de « chaire Herbert Spencer ; » des articles nécrologiques, souvent sévères, ont été publiés dans quelques grands journaux de tous les pays ; puis on a annoncé son Autobiographie, on l’a attendue, on en a été surpris et déçu ; et enfin l’on a cessé de parler de l’illustre mort, qui n’appartient plus aujourd’hui qu’à la morne actualité de l’histoire.

La vérité, c’est que Herbert Spencer avait perdu l’oreille de l’Europe et que sa renommée, très étendue par le monde, avait toujours été inégale et diverse.

En Angleterre, Herbert Spencer était resté fort longtemps inconnu, et il est mort discuté. On sait qu’il a publié à ses frais la plupart de ses livres et les chiffres qu’il fournit sur l’état de ses affaires philosophiques ont une éloquence, mêlée de bravade : son premier ouvrage, la Statique sociale, a été tiré à sept cent cinquante exemplaires ; il n’a pas fallu moins de quatorze années pour les écouler ; il en a fallu douze autres pour six cent cinquante exemplaires des Principes de Psychologie, et plus de dix encore pour cinq cents exemplaires seulement des Essais. En