Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses pouvoirs au Conseil général. Là, les cantons de l’ancien comté avaient pour mandataires des hommes du pays, Français d’annexion ; mais l’arrondissement de Grasse, joint au comté pour former le département des Alpes-Maritimes, n’avait pour conseillers que des Français de race, et grâce à eux cette assemblée offrait plus de garanties que la municipalité de Nice. Le Conseil général désigna cinq de ses membres pour l’administration provisoire du département. Ce dépôt, confié par le mandataire de l’ancien gouvernement aux mandataires réguliers de la population, et reçu par ceux-ci pour le transmettre au gouvernement nouveau, ne laissait à l’imprévu nulle fissure par où pénétrer. C’est pour interrompre cette transmission, où s’évanouissaient les chances révolutionnaires, que fut tentée, le 5, une émeute. Les agitateurs français comptaient à peine : elle pensait et parlait en italien. Elle force les portes des prisons, attaque les commissariats de police, la gendarmerie, tente de brûler le drapeau national, d’autant plus inquiétante que les mobiles niçois se mêlent à elle et à ses excès. La révolte se propage dans les petites cités ; surtout démagogique sur la rive droite du Var, à Cannes, à Grasse, surtout italienne sur la rive gauche, à Menton, où le commissaire de police est blessé. Les délégués du Conseil général font de leur mieux : à Nice, grâce au dépôt du 37e de ligne, que soutient la garde nationale, l’ordre est rétabli. Dès que ces quelques escouades de soldats ne sont plus nécessaires à Nice, elles courent à Menton où elles apportent le calme : il se fait de lui-même à Grasse et à Cannes. Mais partout il est précaire, parce qu’aux soldats manque le nombre, et à la garde nationale la volonté de se défendre contre certaines tentatives. Le 6 septembre, les commissaires du Conseil général télégraphient que l’arrivée de Garibaldi est attendue à Nice ; c’est l’homme qui a toujours flétri comme un « odieux marché » ; la cession de sa ville natale, et déclaré « sa Nissa » toujours italienne : sa venue donnerait à la rupture, qu’il le voulût ou non, le signal et le chef. Or les commissaires du Conseil général déclarent que « la garde nationale, quoique parfaitement disposée pour le maintien de l’ordre, n’offrirait pas de résistance. » Des lors apparaît la complication des embarras : toute opposition des républicains français au gouvernement, en faveur d’une république plus violente, favorisera les desseins des révolutionnaire ? qui veulent changer non seulement de gouvernement mais de