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comprenait et aimait à la campagne la majorité des citoyens. Puis, si nous songeons que, malgré cette simple aisance, il ne laissait pas de posséder de nombreuses maisons sur le lac de Côme, à Tifernum d'Etrurie, près de Tusculum, de Tibur, de Préneste, de Laurente, son exemple achèvera de nous prouver à quel point le goût de la villégiature s'était emparé des Romains de l'Empire.

De Stace à Pline, nous passons donc des villas luxueuses aux habitations bourgeoises. La différence se marque surtout par la simplicité plus grande de la décoration intérieure. Point de ces revêtemens précieux qui resplendissaient aux murailles, de ces marbres aux nuances multiples amenés à grands frais des pays lointains, de ces œuvres d'art des meilleurs maîtres, de ces objets mobiliers si variés et si chers. Dans la maison de Laurente, n'était l'emploi du verre pour certaines cloisons et pour des galeries couvertes, « agréables retraites contre le mauvais temps, » rien ne porterait la marque des raffinemens contemporains. Et dans celle de Toscane, à Tifernum, si l'on excepte quatre colonnettes en marbre vert de Caryste qui soutiennent une treille au fond du jardin, partout n'apparaît que du marbre blanc. Encore a-t-on fait de celui-ci un usage très modéré ; souvent la muraille ou l'encadrement des portes et des fenêtres n'est relevé que d'une simple peinture : ce sont des arabesques, c'est quelque paysage représentant, non sans charme d'ailleurs, un jardin avec des fleurs, de la verdure, des oiseaux, qui tiennent lieu, comme à Pompéi[1], d'une décoration en une plus riche matière. L'arrangement intérieur est donc d'un goût sobre et discret, élégant, si l'on veut, dans sa mesure ; mais nulle recherche et, à proprement parler, absence presque complète de luxe. Pour le reste, les maisons de Pline[2] ne diffèrent pas essentiellement des villas de Vopiscus et de Pollius ou même de celle d'Hadrien.

  1. Voir aussi la célèbre maison de Livie, découverte près de Rome, à Prima Porta.
  2. Je laisse de côté les propriétés de Côme, dont il nous parle cependant en termes aimables, pour ne m'attacher qu'à celles de Tifernum et de Laurente qui sont mentionnées plus longuement. Non pas que nulle part ici nous puissions trouver l'exactitude d'un plan topographique : toutes les restaurations qu'on a tentées par le dessin ne sont que des hypothèses. Pline écrit à des amis pour les engager à venir le voir ; il n'a pas à leur envoyer un relevé minutieux des moindres recoins de son habitation, ni à suivre dans son exposé un ordre scrupuleusement méthodique ; il se contente, pour leur vanter ses villas, de leur montrer ce qui en fait l'agrément et le prix. Toutefois ses descriptions sont encore les plus complètes que nous ayons d'une maison de campagne, et, les réserves nécessaires une fois indiquées, elles nous donnent de l'ensemble une vue suffisamment précise.