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faudrait avoir des informations qui nous manquent sur la pensée secrète, non seulement des deux belligérans, mais des puissances neutres. Aussi ne pouvons-nous raisonner que sur des vraisemblances. Elles encourageraient peu, aujourd’hui, des démarches que personne ne paraît désirer, et encore moins solliciter. Les puissances neutres doivent surveiller les événemens avec une vigilance attentive, et se tenir prêtes à faire entendre des paroles de paix quand l’heure en sera venue. Elle ne l’est pas encore, et quelque triste qu’il soit de penser que chaque jour qui s’écoule se solde par une destruction nouvelle de vies humaines, la sagesse, la prudence, la dignité même n’en conseillent pas moins de s’abstenir de toute démarche indiscrète et prématurée. Si nous nous trompons, et si une intervention des puissances produisait demain un heureux effet, nous serions les premiers à nous en réjouir.


Le Congrès international que les socialistes viennent de tenir à Amsterdam n’a peut-être pas une grande importance, et nous sommes portés à croire qu’il ne changera rien à rien ; en revanche, il a été très intéressant, et nous en parlerions avec plus de détails s’il ne devait pas être l’objet d’une étude spéciale dans un des prochains numéros de la Revue. Il faut avouer, d’ailleurs, que les socialistes ne renouvellent pas beaucoup les spectacles qu’ils nous donnent ; leur répertoire est très limité, mais ils en changent quelquefois la mise en scène et y introduisent des acteurs nouveaux. C’est ainsi qu’à Amsterdam on a entendu M. Bebel et M. Jaurès jouter l’un contre l’autre d’argumens et d’éloquence. Nous aurions été bien embarrassés, nous qui ne sommes pas socialistes, de savoir auquel des deux il convenait d’attribuer la palme. Le Congrès l’a décernée à M. Bebel.

C’est toujours la même question de tactique qui s’agite dans ces congrès. M. Bebel et M. Jaurès, sans oublier M. Jules Guesde, sont parfaitement d’accord sur le fond des choses ; ils diffèrent seulement sur la méthode. En ce qui concerne la doctrine elle-même, veut-on une preuve de la parfaite orthodoxie de M. Jaurès ? On la trouvera dans maints passages des discours qu’il a prononcés à Amsterdam, et par exemple dans le suivant : « Il faut, a-t-il dit, que le prolétariat soit un parti de classe, un parti autonome par le but, autonome par l’organisation, autonome par les moyens. Autonome par le but parce que, au-delà des réformes qui peuvent pallier les misères et les vices de la société capitaliste, il poursuit la transformation complète de la propriété individuelle capitaliste en propriété sociale.