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renversé par l’émeute. M. Emile Ollivier, à la fin de l’Empire, préparait des lois d’assurances que les classes populaires attendent encore. Malgré 93, les journées de Juin, la Commune et la République, l’impôt sur le revenu, qui fonctionne en Prusse, en Suisse, en Angleterre, n’a pu s’installer en France. Si l’on considère le degré de culture, d’organisation, des classes ouvrières, on voit l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique monarchiques primer de beaucoup la France républicaine. Sans doute, dans les pays monarchiques, les socialistes sont pour quelque chose dans ces résultats : M. de Bismarck disait qu’en Allemagne il n’y aurait pas eu de politique sociale sans la pression des socialistes. Mais, très favorables aux classes ouvrières comme parti d’opposition, les socialistes deviennent un danger pour elles, lorsqu’ils participent au pouvoir.

L’idée socialiste ou plutôt marxiste, représentée par Bebel, c’est qu’il ne peut y avoir de concordat entre la bourgeoisie et le prolétariat. Les représentans du prolétariat ne doivent pas s’allier au pouvoir bourgeois d’une façon continue. Ils peuvent voter des réformes ; mais ces réformes, œuvre de la bourgeoisie, ne seront jamais de nature à satisfaire les ouvriers.

Toutes ces promesses qu’ils ont faites, les socialistes rallies ne sont pas capables de les tenir. Après un siècle de luttes politiques, les socialistes partagent enfin la puissance gouvernementale avec les radicaux, et ils nous disent, par la bouche de M. Jaurès : « Nous allons dépasser tous les autres peuples ! Que seront les lois d’assurances allemandes, comparées aux nôtres, et l’impôt sur le revenu des pays monarchiques, auprès de l’impôt que nous allons établir ? » Laissons le futur et tenons-nous au présent. Le ministérialisme de M. Jaurès a eu pour effet de multiplier les grèves et de les rendre plus violentes, pour cette raison très simple que la présence des socialistes au pouvoir encourage les grèves, mais que les socialistes sont impuissans à les faire aboutir : de là vient la défiance des militans ouvriers contre l’action politique. On l’a constaté au Congrès : l’influence des anarchistes grandit dans les syndicats en France et en Suisse, où les socialistes sont associés au gouvernement. Les projets de réforme semblent dérisoires, après tant d’espérances ; rappelez-vous le projet de retraites de M. Millerand, et l’hilarité qu’il suscita parmi les syndicats. Hé quoi ! la montagne collectiviste accouchait de cette souris réformiste. M. Millerand