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légiférer à leur aise sur une institution religieuse enclose dans les limites d’un territoire royal ou princier, soit que, pour réaliser d’une façon quasi jacobine l’unité morale des sujets, ils cherchassent et trouvassent dans Hegel les élémens d’un système de nivellement des consciences, ils aboutissaient pratiquement à un droit ecclésiastique dont l’Église avait motif d’être anxieuse. Car l’Eglise, par-delà son propre asservissement, première conséquence du système, voyait se dessiner la perspective troublante de je ne sais quelle union officielle, réalisée par l’Etat, entre les diverses confessions chrétiennes ; et, dans ces tentatives artificielles de fusion, ce ne serait plus seulement la liberté de l’Eglise, ce serait l’essence même du catholicisme qui péricliterait. Ne voyait-on pas déjà le grand-duché de Nassau organiser un enseignement religieux commun pour les enfans des deux confessions ; et ne voyait-on pas, en Wurtemberg, à l’occasion du Jubilé du Roi, le clergé catholique venir au temple protestant de Rottweil, entonner des chants protestans, écouter un prêche et célébrer la messe ? Un directeur de gymnase écrivait un livre sur l’union des églises allemandes, assez remarqué pour que Dœllinger crût y devoir répondre ; et ce livre conviait le pouvoir laïque à déclarer sans valeur les articles des divers symboles confessionnels, et à protéger contre tout fanatisme séparatiste les fidèles de la future Église unie. Pratiquement parlant, on pouvait prévoir que, dans ces mariages forcés entre confessions diverses, ce n’était point au protestantisme, mais bien au catholicisme, que l’État laïque, rédacteur autoritaire du contrat, demanderait et imposerait des concessions, et le pronostic était justifié, d’une façon décisive, par l’exemple de la Prusse.

Spiegel, archevêque de Cologne, écrit sans ambages dans une de ses lettres : « Intolérance, rage contre ce qui est catholique, voilà les mobiles de l’administration, dans les pays rhénans ; » et, dès 1834, il signalait avec tristesse l’effort du gouvernement prussien pour accroître sur le Rhin, par un afflux de fonctionnaires, la force numérique de l’élément protestant. Il en était en Silésie comme en Prusse rhénane : le président Merckel, qui pourvoyait en 1827 aux destinées de cette province, adressait à Frédéric-Guillaume III, sur les prérogatives religieuses de l’Etat, une lettre qui est un bréviaire de joséphisme ; et la politique dont elle était le programme se traduisit, pendant près de vingt années, par la suppression systématique et successive d’un