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certain nombre de paroisses catholiques. Ainsi la bureaucratie prussienne, par un seul et même labeur, infiltrait le protestantisme en terre rhénane et tarissait le catholicisme, en terre silésienne. La crudité de nuances qui, sur les cartes confessionnelles de l’Allemagne, distinguait certaines régions exclusivement catholiques, était comme un affront pour le roi de Prusse : on essayait de délayer les couleurs, en attendant qu’on les pût noyer dans la pacifique uniformité d’une teinte homogène. Fixer cette teinte, et puis la faire adopter, telle quelle, par toutes les âmes sujettes, c’eût été le rêve des bureaucrates prussiens.

Moyennant un ordre de cabinet et quelques dragonnades, la dynastie prussienne, luthérienne au XVIe siècle, calviniste au XVIIe, avait inauguré une troisième façon de protestantisme : Frédéric-Guillaume III, de gré ou de force, rassemblait tous les protestans de son royaume dans une église évangélique officielle, disciplinée, bien encadrée, authentiquement royale, qui, parfois, plaçait sur ses autels, à côté du crucifix, le buste du roi. Il avait suffi d’un acte de la volonté souveraine pour faire taire toutes divergences entre les confessions protestantes.

Un second succès restait à poursuivre : c’était l’abolition de toutes difficultés entre les diverses confessions chrétiennes. Il n’y avait plus, en Prusse, qu’une Église protestante royale ; il ne devait plus y avoir, tôt ou tard, qu’une Eglise chrétienne royale. Lentement cette Eglise s’édifiait, dans le cerveau des fonctionnaires : puisque la nouvelle liturgie évangélique officielle comportait, le dimanche, une sorte de messe, où l’on récitait et où l’on chantait alternativement des fragmens tirés, pour la plupart, du missel romain, quelle raison restait aux catholiques de ne point opter pour l’Evangélisme ? Elle comportait aussi, chaque année, un jour de prière et de pénitence ; le gouvernement de Berlin, par une pieuse fraude, faisait inscrire ce jour dans la liste des fêtes catholiques soumises à l’agrément du Saint-Siège ; Rome approuvait l’ensemble, sans apercevoir l’interpolation, et l’archevêque Spiegel acceptait, sans mot dire, que cette solennité protestante fût introduite dans la liturgie diocésaine. De vastes espoirs illuminaient l’horizon du fonctionnarisme prussien : la cathédrale de Cologne, qui commençait à s’achever, s’ouvrirait, peut-être, à l’exercice simultané des deux cultes, en attendant qu’ils n’en fissent plus qu’un.

Qu’une fois pour toutes les sujets fussent instruits, qu’ils se