Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une vigueur qui a pris parfois le caractère d’une sommation adressée aux bourgeois instruits. Une voix profonde et impérieuse a notifié qu’au milieu du peuple on n’admet pas que le savoir général doive indéfiniment rester le privilège et le monopole d’une classe. Si exagérée que leur paraisse la nouvelle exigence née dans le monde populaire, les bourgeois intellectuels soupçonnent qu’ils feront prudemment de s’occuper d’y donner une satisfaction positive. Répondre aux ouvriers que la science est, pour eux, d’un accès trop difficile, équivaudrait à les jeter, sous le poids de la déception et de la colère, dans les pires jouissances matérielles. Et sans doute la justice et l’humanité ont aussi, et premièrement, leur mot à dire dans une conjoncture d’une telle importance.

Mais comment amener les notions scientifiques à la portée des travailleurs ? Il semble bien que la nécessité survenue implique toute une grande entreprise de haute vulgarisation, pour l’aboutissement de laquelle les savans auront besoin d’imaginer plus d’une méthode et plus d’un programme, en attendant l’inventaire universel, la classification générale, la conclusion sur les sujets que s’est réservés la science, depuis assez longtemps déjà.

Est-ce d’elle que dépend la morale ? Que la science nous enseigne donc une morale, dont, assurément, on ne peut se passer et dont on paraît même éprouver un vif besoin.

Que si la morale ne dépend pas des autorités scientifiques, que l’on dise où sont ses principes et ses doctrines. Et si elle n’en a pas, apprenons au moins de quoi, par hasard, elle pourrait bien se composer.

L’effort dépensé par l’Université populaire et les déclarations d’ouvriers instruits et d’apôtres, tels que M. Deherme, se résument en effet dans cette mise en demeure.

Pour s’être débarrassée de Dieu, notre société se trouve engagée dans des embarras extrêmes.

Dieu, « catégorie de l’idéal,… » et voici qu’il n’y a plus d’idéal !

La morale sans Dieu… et nous voilà sans morale !

Qu’il soit singulier de voir un athée enregistrer et notifier une pareille constatation, nul doute ; mais elle en acquiert plus d’importance.

Et c’est pourquoi aussi les apôtres du relativisme… absolu