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disciplinaire, ils proclament aussitôt leur solidarité avec lui, et une grève commence. Mais s’ils mettent eux-mêmes à l’index, soit un contremaître, soit un officier, soit un navire, soit une compagnie, leur étonnement est aussi grand que leur indignation est violente, dès que le sentiment de la solidarité se réveille parmi les états-majors ou les armateurs, et que ceux-ci font le geste de plier bagage à leur tour. A leurs yeux, c’est une violation du droit éternel. Les lois sont faites pour eux et non pas pour les autres, et nous les verrons toujours et partout essayer de faire prévaloir cette prétention qu’on nous permettra de trouver excessive.

Sont-ce les dockers, c’est-à-dire les ouvriers du port, ou les inscrits maritimes, c’est-à-dire les équipages, qui ont pris l’initiative de la grève actuelle ? Les premiers peut-être ; mais, c’est pure affaire de hasard. Les revendications des dockers et des inscrits sont continuelles. Leurs menaces de grève, ou plutôt leurs grèves ne le sont pas moins. Que la corde trop tendue ait fini par casser entre les mains de ceux-ci ou de ceux-là, le fait vaut d’autant moins la peine d’être relevé, que dockers et inscrits n’ont pas manqué de se déclarer solidaires une fois pour toutes. On ne peut pas avoir affaire aux uns, sans avoir affaire aux autres, et encore n’est-ce pas assez dire, car toutes les industries, et elles sont nombreuses, qui se rattachent au service des ports, sont solidaires aussi : c’est un bloc d’un nouveau genre. En présence des revendications des dockers soutenues par les inscrits, à moins que ce ne soit de celles des inscrits soutenues par les dockers, les contremaîtres des quais ont pris leur parti. « Considérant, ont-ils dit, que les membres composant notre groupement sont personnellement en butte aux vexations, aux menaces et mises à l’index injustifiées ; que l’autorité indispensable à la bonne marche des services dont nous sommes chargés est absolument méconnue… ; que, si cette situation intolérable se perpétuait, elle serait de nature à porter la plus grave atteinte tant au principe d’autorité, qui nous est nécessaire, qu’aux intérêts primordiaux du Syndicat ; nous décidons de protester énergiquement contre cet étal de choses, en nous abstenant de nous rendre à notre travail, à partir du mardi matin, 23 août, tant que nous n’aurons pas obtenu de nos patrons, MM. les entrepreneurs de manutention, des garanties suffisantes, qui nous permettront d’accomplir en paix la tâche qui nous est confiée… » C’est là l’origine de la grève, et, dès ce premier moment, dès ce premier document, le mot essentiel a été prononcé : les contremaîtres demandaient pour l’avenir des « garanties. » Ils faisaient appel en même temps à la solidarité des