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qu’une victoire, raffermissant la dynastie et rappelant l’assemblée à la prudence, rendît inoffensive l’ouverture de la session. Dans la nuit du 3 au 4 septembre, Marseille apprit la journée de Sedan. Le matin du 4 septembre, les élus se rendent auprès du Préfet et lui déclarent qu’ils se réuniront à deux heures pour organiser la garde nationale. Il comprend que désormais l’influence du Conseil est la plus sûre garantie de l’ordre dans la ville, et qu’il faut se concilier cette force en la consacrant. Il désigne aussitôt, pour maire et pour adjoints, les dix élus qui avaient réuni le plus de suffrages.

Pour contenir par la force la ville qui, dès le matin, a tous les signes de la grande fièvre, il y a un général et quelques dépôts de régimens. Le général est d’Aurelle de Paladines. Après une carrière qui lui avait fait une place brillante au second rang, et ne lui avait pas fourni l’occasion de monter au premier, l’âge de la retraite l’avait atteint depuis quelques mois. Rappelé à l’activité par la guerre, il avait été, quatre jours avant, rétabli dans le commandement de Marseille longtemps exercé par lui, où il se retrouvait avec son expérience et son énergie. En prévision de troubles, il fit garder militairement les seuls édifices que sa faible garnison lui permît de défendre : la Mairie, la Préfecture et l’Etat-major. Mais les soldats ne sont plus ceux du 8 août. Dans Marseille vidée de tous les contingens vigoureux que réclamaient nos armées, il ne reste que des conscrits et des rappelés, et les uns et les autres portent dans les rangs les opinions de la foule à laquelle ils appartenaient la veille.

Celle-ci, à deux heures, semblait avoir pour rendez-vous l’Hôtel de Ville où s’était réuni le Conseil municipal. Par la Cannebière elle descendait vers le vieux port, où déjà la population maritime se pressait autour de la Mairie. Au confluent des deux multitudes se dressait la Bourse. Pour préserver le monument, on avait mis autour un barrage de soldats ; leur présence, au lieu de contenir, provoque la foule, qui traverse et rompt la chaîne trop mince des troupes, pénètre dans l’édifice, y renverse la statue de Napoléon III. Enhardie par ce premier succès, elle exerce sa poussée victorieuse sur le peuple encore immobile qui entoure la Mairie. Du Conseil municipal la foule attend une initiative, et, mêlés à elle, des meneurs soufflent sur cette impatience ardente. Ils ont aussi pénétré, escortés des conseillers, dans l’Hôtel de Ville, remplissent de leur cohue, au premier étage,