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d’industrie ; les marins de profession sont très rares dans le peuple slave. Faute de marins de cette espèce, la flotte de guerre est obligée de recruter ses équipages parmi des paysans n’ayant aucune aptitude, ni aucun goût pour le métier de la mer. Soldats parfaits, parce que la docilité est dans leur nature, les Russes sont des marins médiocres, parce que leur intelligence, plutôt lente, leur manque d’initiative, leur défaut complet d’instruction professionnelle et même générale, les rendent inaptes à manier les appareils compliqués des vaisseaux modernes. Il est vrai que sept années passées dans la marine de guerre pourraient avoir raison de cette inaptitude, et faire d’eux de bonnes recrues pour la marine de commerce ; mais, à l’expiration de leur temps, la plupart s’empressent de retourner dans leurs villages. La marine de commerce ne profite donc pas des marins formés sur les navires de guerre. C’est plutôt l’inverse qui se produit, et la marine de l’Etat, comprenant l’avantage qu’elle pourrait tirer, en cas de guerre, du personnel occupé sur les bateaux marchands, exempte ce personnel de tout ou partie du service actif, et l’astreint seulement, dans tous les cas, à un service plus prolongé dans la réserve. C’est tout à l’honneur de l’État d’avoir compris les services que le personnel des navires de commerce pouvait être appelé à lui rendre, et de renoncer à le leur enlever pour un long laps de temps, sans grand profit pour lui-même.

A l’époque où se sont fondées les Compagnies de navigation, actuellement existantes, un personnel maritime n’avait pas encore eu le temps de se former en Russie ; c’est à peine s’il commence à l’être maintenant. Aussi la plupart d’entre elles ont-elles eu beaucoup de peine à composer leurs équipages et leurs états-majors. L’État leur est le plus souvent venu en aide, soit en suspendant, à leur profit, la loi qui leur interdit de constituer leurs cadres avec des étrangers, comme il le fit pour l’Est-Chinois, soit en mettant à leur disposition des marins de la flotte de guerre. C’est ce qui eut lieu pour la Flotte volontaire. Jusqu’en 1881, les navires de cette Compagnie n’ont été montés que par des marins de l’État ; ce n’est qu’à partir de cette date qu’on commença à les remplacer par des matelots embauchés, et cette substitution demanda deux ans pour s’opérer ; en 1883 seulement fut constitué un personnel normal, et encore avec des matelots pour la plupart recrutés à l’étranger. Le