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eux et les indigènes des provinces baltiques, ils ont entrepris de conquérir, à l’aide d’intermédiaires locaux, ainsi que de commis voyageurs qu’ils répandent chaque année sur toute la surface de l’Empire, le marché de Saint-Pétersbourg. Leurs importations dépassent celles de tous les autres pays. Aussi, la part prise par le pavillon allemand au mouvement du port de Saint-Pétersbourg est-elle en hausse constante depuis trois ans, tandis que la navigation sous pavillon anglais, tout en restant la première, tend à diminuer, au profit de sa rivale. Tant que la Russie n’aura pas, sur les principaux marchés d’Europe, une organisation analogue à celle que les étrangers possèdent chez elle, ses Compagnies de navigation seront, par rapport aux Compagnies étrangères, dans un état d’infériorité marquée.

Nous avons signalé, au cours de cette étude, l’inaptitude des Russes aux métiers de la mer et l’absence, parmi eux, de marins de profession. Cette circonstance est au nombre des plus graves, parmi les causes qui ont retardé le développement de la marine marchande russe. Elle n’a pas échappé aux hommes qui se sont préoccupés de perfectionner cette industrie. « Quant à la marine marchande nationale, » disait le Journal de Saint-Pétersbourg, « il faut, pour qu’elle se développe, créer une population de marins, ou, pour mieux dire, il faut que cette population se forme d’elle-même. C’est là une question de temps. » Enfin, à notre avis, le régime douanier appliqué en Russie constitue, lui aussi, un obstacle à l’essor de la marine marchande. Non seulement ce tarif est conçu dans l’esprit le plus protectionniste et, quelquefois même, le plus prohibitif ; mais l’administration on aggrave encore la rigueur, en l’appliquant avec un formalisme vraiment abusif. Nulle part, les formalités douanières n’atteignent ce degré de complication et de difficulté ; nulle part, leur inexécution n’entraîne des conséquences aussi rigoureuses ; nulle part, le fisc ne se montre aussi tracassier, aussi formaliste ni aussi exigeant. Il n’existe en Russie rien d’analogue à nos « entrepôts réels, » à nos « entrepôts fictifs, » à notre « admission temporaire ; » le régime douanier russe ne connaît aucun de ces tempéramens, admis cependant par les gouvernemens les plus protectionnistes. En revanche, il dispose, contre l’importateur qui a manqué à l’une des prescriptions légales, de tout un arsenal de peines et d’amendes, dont le montant dépasse souvent les bénéfices