Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/746

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris. Ces personnages ne devaient pas assister aux séances, mais chacun d’eux apportait le concours de son expérience aux représentans de son pays. Tous ces hôtes officiels entouraient le Congrès d’un imposant cortège ; en même temps, des rédacteurs et correspondans de tous les journaux du monde, accourus à Berlin, se préparaient à surexciter l’attention universelle par une immense publicité.


V

Enfin, le 13 juin, les plénipotentiaires, revêtus de brillans uniformes et chamarrés de décorations, traversèrent en voitures découvertes, sous le plus beau soleil, la foule rangée sur leur passage et franchirent la grille du palais Radziwill. Ils furent reçus dans le vestibule par M. de Badowitz ; le prince Gortschakof, qui ne pouvait monter l’escalier, fut hissé dans un fauteuil à poulies au premier étage : le prince de Bismarck les accueillit tous à l’entrée du premier salon et les conduisit dans la salle des séances. Une table en fer à cheval, couverte d’un tapis brun, occupait le fond de la pièce, devant les fenêtres cintrées donnant sur la cour d’honneur. Des fauteuils pareils, à dossier élevé, avaient été disposés pour les membres de l’assemblée, et des chaises, aux deux extrémités, pour les secrétaires. La veille, le chancelier avait fixé les places et décidé que les plénipotentiaires de chaque nationalité siégeraient à côté les uns des autres, dans l’ordre alphabétique des Puissances. Comme il y avait dix sièges sur la même ligne du fond, le fauteuil présidentiel ne pouvait pas être exactement au centre. Quand M. de Radowitz et moi avions fait remarquer cette petite irrégularité au chancelier : « N’importe, répondit-il gaiement, je serai un peu trop à droite, mais j’ai, pour le moment, quelque inclination vers ce côté-là. » Il eut donc cinq de ses collègues à sa gauche et quatre seulement à droite : les autres membres furent répartis dans l’ordre indiqué sur les deux courbes du fer à cheval. Tout le milieu de la salle resta vide, et nous fîmes placer, à l’extrémité opposée, une seconde table destinée à recevoir les livres, documens, cartes géographiques, nécessaires aux recherches et aux études immédiates.

Avant la constitution de l’assemblée, le comte Andrassy rédigea rapidement au crayon quelques phrases dont j’ai gardé