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Presse en sa nacelle courbe,
Et sans honneur, à la fois,
Met les rois
Pêle-mêle avec la tourbe.
Livre III, Ode IV.
[ A Mgr le duc d’Orléans.]


Telle est encore la suivante :


Du soin de l’avenir ton cœur ne soit époint !
Mais, content du présent, ne te tourmente point
Des mondaines faveurs qui ne dureront point
Sans culbuter à terre.
Plus tôt que les buissons les pins audacieux,
Et le front des rochers qui menace les cieux,
Plus tôt que les cailloux qui ne trompent les yeux
Sont frappés du tonnerre.
Livre III, Ode XV.
[ A François de la Brosse][1].


Négligeons les qualités de langue et de style que ces courtes citations manifestent ! N’en retenons pour le moment que la qualité proprement « lyrique, » et je veux dire à la fois musicale et plastique. Ç’a été l’un des rêves de la jeunesse de Ronsard que de renouer l’antique et légendaire alliance de la musique et de la poésie ; et, aussi bien, les musiciens de son temps, et les plus renommés, P. Certon, Goudimel, Janequin ont-ils mis jusqu’à ses Sonnets en musique. Nous avons la notation musicale de l’Ode à Michel de l’Hôpital. Cette alliance ou cette union intime des deux arts sera même le principal objet de l’Académie qu’essaiera de fonder Charles IX. Et la tentative, disons-le tout de suite, ne devait pas réussir ! Elle ne devait pas réussir, parce que nous n’étions déjà plus les anciens, en 1550, mais « les gens d’alors, » pour qui la musique et la poésie, tout en pouvant bien quelquefois s’unir, n’en étaient pas moins des arts « indépendans » l’un de l’autre, comme la peinture l’est de la sculpture, des arts complets et parfaits en soi. Mais, — et le mot lui-même l’indique, — si le « lyrisme » se définit, entre autres

  1. L’Ode au duc d’Orléans n’a paru qu’en 1555, mais l’Ode à François de la Brosse est dans le recueil de 1550, où elle est dédiée à Maclou de la Haye. On retrouve la première de ces combinaisons de mètres dans l’Hymne de la santé, de Du Bellay, et la seconde dans sa pièce Contre les Pétrarquistes.