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Qui de leur propre sang, a tous périls de guerre
Ont acquis à leurs fils une si belle terre ?
Que diront tant de ducs et tant d’hommes guerriers
Qui sont morts d’une playe au combat les premiers,
Et pour France ont souffert tant de labeurs extrêmes,
La voyant aujourd’hui détruire par soy-mesmes,
[ Discours des Misères de ce temps.]


Il y a plus ; et, sans entreprendre ici de sonder la sincérité de ses sentimens religieux, qu’au surplus nous ne voyons pas pour quelles raisons on suspecterait, il semble que ce soit l’ardeur du patriotisme de Ronsard qui explique et qui définisse la nature de son catholicisme. Il est catholique, parce que le catholicisme est la « religion de ses pères ; » et, sans se dissimuler les abus qui se sont glissés dans cette religion — et, au besoin, en les flétrissant ou en les stigmatisant de la brûlure de son vers, — il demeure catholique, parce qu’il n’a rien trouvé dans le protestantisme qui répondît aux exigences de la réformation désirée.


Il ne faut s’étonner, Chrétiens, si la nacelle
Du bon pasteur saint Pierre en ce monde chancelle,
Puisque les ignorans, les enfans de quinze ans,
Je ne sais quels muguets, je ne sais quels plaisans
Ont les biens de l’Eglise, et que les bénéfices
Se vendent par argent ainsi que les offices !


Ainsi s’exprimait-il, dans son Discours à Guillaume des Autels ; et il revient à la charge, dans sa Remontrance au Peuple de France :


O vous, doctes prélats poussés du Saint Esprit,
Qui êtes assemblés au nom de Jésus-Christ,
Vous-mêmes les premiers, Prélats, réformez-vous !
Arrachez de vos cœurs la jeunesse lascive,
Soyez sobres de table, et sobres de propos ;…
Soyez-moi de vertus, non de soie, habillés ;
Ne vous entremettez des affaires mondaines,
Fuyez la Cour des Rois et leurs faveurs soudaines ;
Allez faire la cour à vos pauvres ouailles.