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Voilà qui est formel, et voilà qui nous reporte au mois de mai 1574. Ronsard dit encore, dans un autre Sonnet, l’avant-dernier du premier livre :


Je chantais ces sonnets en l’antre Piéride,
Quand on vit les Français sous les armes suer
Quand on vit tout le peuple en combats se ruer.


Seulement, ce sonnet, qui nous reporterait à 1568 ou 1569, l’année de Jarnac et de Moncontour, ne faisait point partie, dans l’édition de 1578, des Sonnets pour Hélène : il terminait le recueil des Amours diverses. Faut-il ajouter que le premier livre, qui ne contenait que 60 pièces dans l’édition de 1578, en contient 64 dans l’édition de 1584, et le second, 77 au lieu de 55 ? De 1578 à 1584, Ronsard a donc encore rimé, ou publié à nouveau, 26 pièces en l’honneur d’Hélène ; et, de ces 26 pièces, il y en a jusqu’à 16 intercalées d’un seul coup entre deux sonnets de la première édition. Voici un beau sonnet qui faisait également partie, en 1578, du recueil des Amours diverses :


Genèvres hérissés, et vous, houx épineux,
L’un hôte des déserts, et l’autre d’un bocage ;
Lierre, le tapis d’un bel antre sauvage,
Source, qui bouillonnez d’un surgeon sablonneux ;
Pigeons, qui vous baisez d’un baiser savoureux,
Tourtres, qui lamentez d’un éternel veuvage ;
Rossignols ramagers, qui d’un plaisant langage
Nuit et jour rechantez vos versets amoureux,
Vous à la gorge rouge, étrangère hirondelle ;
Si vous voyez aller ma Nymphe en ce printemps
Pour cueillir des bouquets par cette herbe nouvelle,
Dites-lui, pour néant que sa grâce j’attends,
Et que pour ne souffrir le mal que j’ai pour elle,
J’ai mieux aimé mourir que languir si longtemps.
[Édition de 1584 : Sonnets pour Hélène, II, 44]


Est-il téméraire de supposer que ce sonnet a été d’abord écrit pour cette « Genèvre » que le poète a chantée dans ses Élégies, et qui n’était point, elle, Salviati ni Surgères, mais, nous dit un disciple et commentateur de Ronsard, « une haute femme, claire brune, mariée au concierge de la geôle de Saint-Marcel, et qui se nommait Geneviève Raut ? » En revanche, tel autre sonnet, d’ailleurs détestable