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signifia son avènement au Comité de salut public. La légitimité des deux pouvoirs était la même. L’Hôtel de la police était situé rue Luizerne, sorte de boyau où quelques hommes déterminés pouvaient arrêter aisément les attaques, et déjà des citoyens recrutés parmi les plus violens des faubourgs formaient une garde au Comité de sûreté générale. Le Comité de salut public confirma donc Timon dans le titre de commissaire central, et Timon n’avait pas attendu la permission pour exercer son pouvoir. Le préfet, ses secrétaires généraux, les chefs du parquet, plusieurs magistrats, les commissaires de police et agens, les conservateurs notoires étaient recherchés, saisis, écroués. Tout ce qui pouvait devenir pour la résistance une tête ou un bras, devait être paralysé. La place ne manquait pas dans les prisons, les prévenus et condamnés de droit commun venaient d’être mis en liberté. Deux tentatives furent faites pour s’emparer du général Espivent de la Villeboisnet qui commandait Lyon. Les hommes chargés de l’arrêter reculèrent une première fois devant la ferme attitude de la gendarmerie qui le gardait ; quand ils revinrent en force, le général avait quitté son hôtel pour la caserne voisine qui n’ouvrit pas ses portes. Mais s’il n’était pas prisonnier, il y demeurait, avec des soldats peu nombreux et peu sûrs, comme assiégé et incapable de porter secours à personne. Avant midi, comme une seconde affiche officielle l’annonce, « il n’y a plus à Lyon qu’une autorité, le Comité de salut public. »

Ce Comité, à neuf heures du matin, quand il avait pour la première fois fait acte de gouvernement, ne comptait que treize membres. L’issue pouvait paraître encore douteuse, les plus audacieux seuls se hasardèrent à signer. A mesure que la victoire devenait plus certaine, il devenait plus nombreux. A la fin de la journée, il compta soixante-dix-huit membres. Les premiers prirent prétexte de ce que la désignation des délégués n’était pas encore complète dans tous les quartiers, et achevèrent l’œuvre en s’adjoignant qui leur plaisait. Parmi eux, quinze à peine appartenaient aux classes qui, dotées de quelque instruction et de quelques ressources, avaient eu jusque-là le monopole de fournir les candidats aux pouvoirs légaux ou insurrectionnels : tels étaient Hénon, Durand et Barodet, qui avaient proclamé la République, Andrieux et Lentillon, délivrés de leur prison et ramenés à l’Hôtel de Ville par un triomphe à peu près semblable à celui qui allait porter le même jour Rochefort de la