Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travers des vicissitudes souvent décevantes, la restauration de cette image divine dans l’humanité : voilà l’idée maîtresse de Schlegel et de l’« école légitime » qu’il prétend fonder.

Entre cette « école légitime » et l’école « rationaliste et libérale, » nulle conciliation n’est possible : celle-ci « disserte sur la perfectibilité indéfinie de l’humanité, sans autre commencement véritable que la supposition vague d’un animal, sans autre fin qu’une progression à l’infini ; » celle-là « pose la ressemblance avec Dieu comme le caractère distinctif, l’essence, la nature et la destination de l’homme. » Pour l’école rationaliste, l’homme est un « singe devenu libéral ; » pour l’école légitime, il fut et doit redevenir l’image de Dieu ; et l’histoire humaine, se déroulant à la façon d’un cercle, part de Dieu pour revenir à Dieu. La rédemption par le Christ apparaît dès lors comme un « pôle divin placé au milieu des temps ; » et la philosophie de l’histoire, telle que la conçoit Schlegel, n’est qu’une vaste exégèse du plan rédempteur. A la fin des leçons sur la Philosophie de la vie, son imagination prend d’utopiques libertés : ce n’est plus seulement l’homme, c’est la nature, qui plus tard bénéficiera de la rédemption. « Cette nature, conçue comme une créature soupirante, nous donne l’explication claire de ses prophétiques pressentimens ; son état de sommeil inspire l’espérance d’un grand et universel réveil. Ayant rejeté cette théorie et ne regardant la nature que comme un sépulcre, la science physique s’est ensevelie avec la nature dans un état de mort d’où elle ne commence à se relever que depuis une ou deux générations L’homme seul peut vaincre la mort en reconquérant la perfection morale, d’où suivra la réintégration de la nature en Dieu, c’est-à-dire la vraie théocratie, état dans lequel toutes les créatures recouvreront leur immortalité, et qui complétera l’harmonie de la création. »

C’est ainsi que Schlegel devine, dans la nature elle-même, ce même mouvement de retour vers le paradis terrestre, qui semble résumer à ses yeux l’histoire de l’humanité rachetée. Mais à l’encontre de cette réintégration de Dieu, un obstacle surgit : Schlegel l’appelle l’idolâtrie politique. « On ne peut espérer la réformation divine, écrit-il, avant que toute idolâtrie politique, quelque forme qu’elle affecte, de quelque nom qu’on la voile, n’ait complètement disparu de la terre. » Ce que Schlegel qualifie de ce nom, c’est l’absolutisme, quel qu’il soit, celui d’un