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engins, autant qu’incrédule aux officiers ; dès les premiers jours, il étudia surtout les mitrailleuses électriques, les fortins ambulans, les béliers de route, les ballons à projectiles explosifs, les embuscades souterraines[1] ; et la foi qu’il promenait tour à tour sur toutes ces découvertes prouva, par l’étendue de son zèle, celle de son incapacité.

La guerre, en effet, n’était pour ces hommes que surprise, retard, obstacle. Leur pensée, familière seulement avec les conditions permanentes d’une société meilleure, restait obsédée par le désir de les établir, revenait, par le sentiment de leur importance et de l’essentiel devoir, vers les comités de l’intérêt public et des finances. C’est là que s’élaborait le grand œuvre, le double avènement de la révolution religieuse et de la révolution sociale.

La lutte contre le catholicisme commença aussitôt que le nouveau gouvernement fut constitué. Non seulement il abandonna comme don de joyeux avènement les maisons religieuses aux brutalités ordinaires des fanatiques et des pillards, écume de toute foule qui rompt ses digues ; mais son premier soin fut de sanctionner, de précipiter, de généraliser ces violences. Par lui fut ouverte la chasse aux religieux, arrêtés, détenus, mis au secret ; avec son approbation, les Carmes chassés de leur demeure ; par son initiative, les Capucins sommés de quitter la France dans les quarante-huit heures ; sous son contrôle, leur couvent dévasté. Le clergé séculier fut l’objet d’une malveillance aussi prompte, aussi violente. Où la populace se contentait d’insulter, le Comité complétait par des actes. Des prêtres, des évêques furent arrêtés dans les rues, dans les gares, dans les presbytères. La première manifestation d’incrédulité haineuse fut dirigée contre le grand séminaire, envahi, dès le 4 septembre, par un membre du Comité et un fort détachement de gardes nationaux. Les séminaristes étaient en vacances, leurs malles pâtirent pour eux, pillées avec les ornemens sacerdotaux, l’argent qu’on trouva, et les caves ; puis les bâtimens furent déclarés casernes. Ce n’étaient pas seulement les prêtres qui devenaient des adversaires, mais les laïques s’ils professaient le catholicisme : les administrateurs des hospices, qui géraient gratuitement l’immense fortune laissée par la piété des morts, furent, révoqués parce

  1. Procès-verbaux du Comité de la Guerre du 7 au 14 septembre.