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Monti, d’abord, le père de Costanza, s’occupe si peu d’elle qu’il ignore jusqu’à son âge. « Je m’étais figuré qu’elle avait atteint ses quinze ans, écrit-il à son frère en 1805 ; mais je vois, par son acte de baptême, qu’elle n’en a que treize. » Et il ajoute : « Tant mieux pour son éducation, et pour avoir le temps de lui trouver un mari ! » Puis, lorsque, l’ayant retirée du couvent, il découvre sa merveilleuse beauté et la richesse de ses dons, il n’a plus d’autre pensée que de lui « trouver un mari » qui veuille la prendre sans dot, et l’entretenir avec tout le luxe qu’il désire pour elle. « Il y a ici quelqu’un qui a jeté les yeux sur ma Costanza, écrit-il en 1806, et qui m’a fait parler pour l’avoir en mariage. En vérité l’âge de la petite est encore bien tendre (elle avait alors quatorze ans) : mais si le parti, après renseignemens pris, se trouve être tel que je le souhaite, il ne me sera pas difficile de dire oui, sauf pourtant le goût de l’enfant, à qui je ne veux point faire violence. » Encore ne craint-il pas autant qu’il le dit de « faire violence au goût de son enfant. » Il l’empêche tour à tour d’épouser deux jeunes gens qu’elle serait prête à aimer, son cousin Giovanni et l’érudit grec Mustoxidi, simplement parce que ni l’un ni l’autre ne lui semblent assez riches. Et il s’empresse au contraire de favoriser les projets du comte Perticari, bien que celui-ci lui ait avoué qu’il vient d’avoir un fils, d’une maîtresse, et bien que la jeune fille ne manifeste aucun « goût » pour ce nouveau parti. Longtemps même la froideur de Costanza fait hésiter le jeune prétendant, et retarde la conclusion du mariage. « La tristesse de Costanza, — écrit Giulio Perticari au début des fiançailles, — doit avoir pour cause le décret paternel qui lui impose un mari… Et si sa raideur ne se change pas, si elle ne montre pas une vraie joie de cette alliance, si sa mélancolie continue à trahir son cœur, mes soupçons se transformeront en certitude. » Enfin l’autorité de Monti achève de persuader la jeune fille : elle consent à oublier son pauvre Mustoxidi, pour s’efforcer d’aimer l’homme qu’on lui impose ; et le mariage se trouve conclu. « Après avoir immolé son talent et sa réputation à Plutus, il ne manquait plus à Vincenzo Monti que de sacrifier à la même divinité sa fille et son ami ! » Ce sévère jugement du poète florentin Niccolini nous est confirmé par tous les faits que nous racontent les premiers chapitres de la biographie de Mlle Romano.

J’ajoute que, certainement, ni Vincenzo Monti ni sa femme ne se sont beaucoup souciés de préparer leur enfant aux devoirs nouveaux qui s’ouvraient devant elle. Dénué lui-même de tous scrupules moraux, le père a dû se contenter d’apprendre à sa fille le latin et la