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par les Bénédictins, Clunisiens, Cisterciens, plus que par l’action personnelle des princes normands. En réalité, le seul art particulier, l’art admirable qui se forme et se développe par eux, lorsqu’ils eurent transporté le siège de leur gouvernement à Palerme, durant tout le XIIe siècle, c’est l’art sicilien : celui-là est bien l’art le plus composite comme le plus brillant qui fut jamais, art étrange, art unique, librement mêlé d’élémens antiques, byzantins, sarrasins, français, qui fait de tous ces édifices, construits sous les rois normands, de goûts aussi musulmans que chrétiens, Roger et les deux Guillaume, un ensemble étonnant de chefs-d’œuvre. C’est à Palerme (Sainte-Marie de l’Amiral, 1143-1146, la chapelle Palatine, 1143, la cathédrale, 1149),à Monreale (1174-1182), à Cefalu, à Messine, que s’élèvent alors, par les mains d’artistes de tout pays, associés sous le patronat généreux et éclectique des princes les plus tolérans qu’ait connus le moyen âge, des monumens dont la renommée devait promptement traverser les mers. La tâche que M. Bertaux avait assumée, dans l’Italie de terre ferme, était trop considérable pour qu’il pût y joindre une étude spéciale de l’art siculo-normand en Sicile. Néanmoins, c’est un ferment si considérable qui s’ajoute, dès le XIIe siècle, aux fermens déjà actifs dans l’art continental, qu’il faut en avoir toujours le souvenir dans l’analyse des œuvres contemporaines ou postérieures. On doit savoir gré à M. Diehl, d’avoir au moins, par quelques pages substantielles et vives, rappelé cette floraison synchronique de l’Orient en Occident, à propos de l’art byzantin dans la Calabre.

Rien de plus curieux, de plus attrayant à démêler que cette complication vivante de traditions diverses, soit dans la Campanie où persiste la gravité simple des vieilles basiliques (cathédrales de Palerme, Capoue, Calvi, Sessa, Caserta Vecchia, Santa Agata de Goti), soit dans l’Apulie, plus riche en conceptions originales (cathédrales de Troja, imitation des églises pisanes, en 1093, de Canosa, de Barletta, de Trani, dérivées de San Nicolas de Bari). Ici, les coupoles, si rares aux environs de Naples, se multiplient et se superposent, en nombres et rondeurs variables, à la rencontre des nefs à tribunes avec les transepts et les chœurs, pour y produire les effets les plus pittoresques. Dans les régions montagneuses, isolées et retardataires, Basilicate, Abruzzes, Comté de Molise, même mixture d’élémens internationaux avec des surprises d’originalité plus naïve ou plus