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grossière. Partout, d’ailleurs, même prédilection affirmée pour la simplicité des plans, la solidité des masses, la tranquillité et la fermeté des lignes, la force et la richesse dans le décor sculptural et dans le mobilier fixe, avec une recherche sensualiste, à l’orientale, des harmonies colorées, en des gammes fortes et chaudes, dans le choix, la coupe, la juxtaposition des belles matières et des matières précieuses, tant naturelles qu’artificielles. Les chapitres, très documentés, écrits par M. Bertaux sur tous ces arts décoratifs, sculptures en marbre des portails et chapiteaux, sculptures en bronze des portes, mosaïques et pavemens, tabernacles, chaires, candélabres, orfèvreries, ivoires, nous donnent une idée bien complète du luxe prodigieux alors étalé dans les églises. L’exactitude des descriptions enthousiastes laissées par les chroniqueurs se trouve complètement confirmée par les monumens conservés. Quoi de plus vraiment monumental, de plus majestueux et opulent, que cette série superbe de portails écrasant de leurs fortes colonnes les vastes échines, pliantes et soumises, de toutes sortes d’animaux gigantesques et monstrueux, lions, éléphans, hippopotames, symboles effrayans pour les imaginations étonnées des paysans italiens, de la Barbarie et du Crime domptés par la Foi ? Quoi de plus majestueux que ces trônes épiscopaux, quoi de plus ingénieusement présenté, de plus délicieusement agrémenté, de plus élégamment varié que ces ambons et chaires, posés sur groupes de colonnes, avec ces fines bigarrures de mosaïques multicolores dont les marbriers romains devaient garder longtemps la tradition dans les églises de la Ville Éternelle ? Quoi de plus intéressant enfin, de plus instructif pour l’artiste et l’historien, que cette longue série de portes en bronze où l’on peut suivre tous les tâtonnemens et tous les progrès du modeleur, du fondeur, du ciseleur, s’avançant, par de lents efforts, vers la réalisation de leurs rêves plastiques et de leurs ambitions techniques ? Soit qu’elles aient été rapportées de Constantinople, comme celles d’Amalfi (1001), du Mont-Cassin (1070), de Saint-Paul hors les murs, à Rome (1070), de Monte Sant’ Angelo(1076),d’Atrani (1087), de Palerme(I134), soit qu’elles nous montrent l’habileté croissante des artistes locaux, en nous donnant souvent leur signature, comme celles de Canosa, par Roger d’Amalfi, de Troja, par Oderisio de Bénévent (1119-1127), de Trani et de Ravello, par Barisano de Trani, l’auteur des portes de Monreale en Sicile, et enfin celles de