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syndicat décida la grève : c’est-à-dire que 70 ouvriers votans décidèrent la grève, tandis que 250 non syndiqués étaient restés chez eux et désiraient continuer le travail.

« Ici apparaît, dans toute sa beauté, le système toléré par les pouvoirs publics depuis près d’un mois. Le village s’est éveillé au bruit du tocsin ; depuis l’aube, nos deux malheureuses cloches sonnent à toute volée. Chaque heure environ une bande parcourt les rues en vociférant, elle est précédée du tambour, du clairon, du drapeau rouge ; tout ceci est conduit par le garde champêtre municipal et le commissaire de police du village. Les 70 grévistes se sont, dès ce matin, organisés pour rendre tout travail impossible et empêcher la circulation... Les véhicules sont arrêtés et servent de barricades. Mes propres ouvriers, accompagnés du régisseur et de mon garde, ont été empêchés par la force de se rendre dans mes vignes. Beaucoup de propriétaires ont vu leurs travailleurs menacés dans leurs vignes et obligés de se retirer. C’est l’anarchie organisée.

« Voilà donc, n’est-ce pas, les choses au point : 60 individus sont les maîtres d’un village de 1 500 âmes. La municipalité les laisse faire. Il en résulte que 300 ouvriers sont privés de travail et que la vie sociale est interrompue... Est-ce que cela va durer ? Je verse dans les caisses de M. Rouvier onze mille francs d’impôt chaque année ; je fais vivre sur mes terres à peu près 150 personnes. J’estime être le porte-parole de tous les propriétaires de France en vous disant : « Cette comédie a assez duré. Les propriétaires fonciers sont livrés par vous à tous les maux. Les fraudeurs les ruinent en avilissant leurs récoltes : et voici qu’on les empêche de faire travailler les ouvriers qui sont contens de leurs salaires. .. Et dire que la Révolution a supprimé les jurandes et les maîtrises, et qu’on laisse organiser la tyrannie syndicale !... »

On a vu cela à Villeneuve-les-Béziers, à Marseilhan, etc., on a vu pire dans la plaine de la Crau et de la Camargue, et on a constaté aussi la répugnance des meneurs à l’égard du travail à la tâche ou à forfait, leur prétention de répartir le travail eux-mêmes et d’enlever au patron le choix des ouvriers qu’il emploie, de faire travailler ces ouvriers sur les terres des propriétaires malgré la volonté de ceux-ci, de forcer leurs domestiques particuliers à les quitter, d’acculer les patrons à la ruine en déclarant la grève au moment même de la récolte. Mais M. Combes traite de