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grèves modèles celles où l’où ne tue personne, où l’on se contente de violer la liberté, le droit, la propriété. A Arles, on a vu les foins pourrir sur pied, les vignes rester sans traitement, clôtures brisées, fils téléphoniques coupés, circulation arrêtée, travailleurs molestés ; à Villeneuve-les-Béziers, une guérite avait été dressée par les grévistes sur la propriété du docteur Despetis, et des hommes de garde, se relayant nuit et jour, empêchaient les bêtes d’aller boire. A Marseilhan, des hommes armés sont venus faire le siège de la propriété, l’ont entourée de chaînes, établissant un véritable blocus. Dans une réunion contradictoire chez le préfet de l’Aude, un propriétaire remarquant que les revendications exagérées forceraient à laisser les domaines en friche, on lui répondit sans détour : « C’est bien ce que nous cherchons, et c’est nous qui alors travaillerons les propriétés, et qui en prendrons tous les fruits ; nous y arriverons, soyez-en certain. » Du moins, en Nouvelle-Zélande, cet éden des ouvriers, ceux-ci se contentent du suffrage des femmes, des retraites ouvrières et de l’arbitrage obligatoire[1]. Le congrès des syndicats de Travailleurs de la terre du Midi, réuni à Béziers en 1903, a décidé qu’en cas de grève générale des ouvriers de l’industrie, les paysans devront, eux aussi, cesser le travail « jusqu’à ce qu’ils puissent reprendre possession de la terre au nom de la corporation. »

J’essaierai prochainement de dire les remèdes, les raisons d’espérer. Aux pessimistes, qui pronostiquent le retour des guerres servi les, les Jacqueries et le sens dessus dessous universel, aux ardélions de la doctrine socialiste qui croient toucher au but et découpent le monde comme un gâteau, je voudrais rappeler la mésaventure d’un habitant de ce Céleste-Empire qui, malgré sa réputation consacrée d’immobilité, a, de 420 seulement à 1648, supporté des guerres civiles violentes et quinze changemens de dynastie, accompagnés de l’extermination des membres de douze de ces dynasties, de cette Chine qui a essayé toutes les institutions politiques, même le communisme, et que nous raillons sans la bien connaître[2]. Né en 1027,Wang-Ngan-Ché possédait des dons supérieurs d’éloquence, de séduction, de volonté et d’érudition, avec une puissance de travail extraordinaire : ainsi pour mettre

  1. A. Siegfried : La Démocratie en Nouvelle-Zélande.
  2. Voyez, dans la Revue du 13 février 1889, Un socialiste chinois au XIe siècle, par C. de Varigny.