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d’argent plus que par autre chose et le globe est comme ceinturé d’un cercle d’or.

Une restriction violente des crédits à Paris et à Berlin vint, en 1895, du « boycottage, » à Londres, de la signature des grands établissemens français et allemands, subitement mise à l’index par les banquiers anglais. Une valeur de cuivre qui n’est pas cotée à Paris et dont le siège est en Amérique — l’Amalgamated — est-elle attaquée à la Bourse de New-York, aussitôt le Rio-Tinto, mine de cuivre qui n’est pas cotée à New-York et dont le siège est en Espagne, baisse de 100 francs à Paris.

Le marché des Etats-Unis éprouva l’effet d’une répercussion contraire au commencement de 1903. La place de Paris avait prêté à des banques et sociétés allemandes de premier ordre des sommes très importantes ; une de nos grandes maisons de crédit et deux puissans financiers étaient, à eux trois, créanciers de 730 millions de francs, desquels ils touchaient 5 pour 100 d’intérêt. Les Allemands prêtaient à leur tour ces fonds, partie à leur industrie nationale, partie aux Etats-Unis où ils remplaçaient l’argent anglais, que la guerre du Transvaal faisait refluer en Europe. A la fin de 1902 les prêteurs français, inquiets de la crise industrielle qui sévissait au-delà du Rhin, retirèrent brusquement leurs fonds d’Allemagne et celle-ci, réagissant sur l’Amérique, retira les siens de New-York et y détermina une panique et une gêne de plusieurs mois.

Si la France n’est pas le pays le plus riche du monde, c’est celui de tous où le vieux refrain d’opéra :


L’or est, une chimère,
Sachons nous en servir…


est le mieux en situation. Un emprunt d’un milliard est aujourd’hui, chez nous, l’équivalent d’un emprunt de 100 millions, il y a cinquante ans. Ne nous en félicitons pas trop. L’Angleterre et l’Allemagne ont moins d’économies mais plus de production. Lequel vaut mieux d’avoir, comme les Américains, toujours plus d’affaires que d’argent, ou comme les Français, plus d’argent que d’affaires ? De quel côté est la supériorité ? Un peuple économe n’est pas un peuple risqueur : l’Américain, l’Anglais, dont les salaires sont plus hauts que les nôtres, vivent mieux et dépensent plus. Le Français préfère épargner : que la récolte soit bonne ou mauvaise, que l’usine et l’atelier soient ou non prospères, il