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nombreux dans l’Empire prépare une évolution purement chinoise ; elle se ferait à l’imitation du Japon, mais non pas sous sa tutelle ; elle demanderait aux Japonais des exemples et des professeurs, mais elle se garderait de leur laisser prendre une influence prépondérante ; au besoin, la Chine chercherait un appui parmi les nations européennes pour tenir en bride son trop puissant voisin ; et ainsi, empruntant aux uns et aux autres, mais assimilant toujours ses emprunts, pratiquant, entre ses amis trop empressés, une politique d’équilibre, et neutralisant leurs ambitions les unes par les autres, jusqu’au jour où elle serait en mesure de se suffire à elle-même, elle tirerait de son propre fonds tous les élémens de sa rénovation nationale, elle accomplirait une de ces révolutions qui ont été si nombreuses dans son histoire, elle resterait elle-même tout en devenant, à tous les points de vue, un État moderne, armé et outillé comme une grande puissance. La Chine, avec la prodigieuse force d’assimilation qu’elle doit à son organisation sociale, a toujours su « chinoiser » les races qui ont prétendu la dominer ; mais elle-même a subi de profondes et fréquentes transformations : ce qui est nouveau, chez elle, ce n’est pas la révolution, c’est l’immobilité : elle lui a été imposée par ses vainqueurs mandchoux comme un moyen de maintenir plus sûrement leur domination sur son innombrable population. L’heure des révolutions est revenue pour la Chine ; et les révolutions de la Chine ont toujours eu, dans l’histoire, de lointaines et terribles répercussions.

Il est impossible de prévoir comment s’accomplira finalement la métamorphose d’où la Chine nouvelle sortira, mais on peut étudier, à l’aide de documens précis, le progrès des idées réformatrices et le rôle actuel des Japonais dans cette transformation : c’est ce que, grâce à des renseignemens inédits, nous voudrions tenter de faire.


I

L’idée d’une réforme suppose la conscience d’un état de choses défectueux et la notion d’un modèle à imiter : les victoires du Japon, pendant la guerre de 1894-1895, ont donné l’une et l’autre à la Chine : de là naquit le mouvement réformiste. Les Chinois avaient été, avant cette guerre, battus par des armées ou des flottes européennes, mais l’Empire n’en avait pas été troublé :