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tenus là et c’est bien ce qu’on nous reproche. Si notre action était restée purement intérieure, c’est alors qu’elle eût été chimérique ! Comment, en effet, limiter les charges de la France, comment développer ses ressources, sinon dans la sécurité du lendemain, c’est-à-dire dans la paix ; et comment organiser cette paix autrement que par le rapprochement, par l’accord des peuples ? Comment ne pas comprendre que les embarras de nos voisins étant analogues aux nôtres, il n’est pas de remède à nos difficultés comme aux leurs, il n’est pas d’avenir possible pour aucun État d’Europe en dehors d’une entente européenne. Et cette entente, comment ne pas travailler à la préparer ? Voilà le devoir, voilà l’œuvre à accomplir. L’Union européenne, loin d’être un rêve, n’est qu’une conséquence logique du progrès ; le progrès moral ne peut pas indéfiniment tarder à suivre le progrès matériel ; les peuples ne peuvent se rapprocher en continuant à s’ignorer et à se haïr ; l’Union européenne est un résultat de la découverte de la vapeur et de l’électricité.

Ainsi notre point de départ, comme notre but, a été l’intérêt de la France ; notre œuvre est une œuvre d’éducation générale, profitable à la France d’abord, mais en même temps à tous les peuples, et c’est par là qu’elle est française par excellence, — encore qu’elle ne soit pas comprise par un Français de votre importance ; — et cela est si vrai que le nombre de nos collaborateurs augmente chaque année. Ce n’est plus dans l’opinion seulement, dans le peuple et dans le monde qualifié dédaigneusement d’intellectuel, c’est au Parlement, parmi les représentans élus, responsables du pays, que nous avons trouvé de nouvelles recrues ; c’est au Parlement que s’est constitué notre groupe de l’arbitrage international dont vos amis affectent de sourire ; ce qui est plus facile que de comprendre. C’est un symptôme cependant que de voir près de trois cents membres du Parlement se réunir sans distinction de partis, pour affirmer leur foi commune dans un programme d’organisation pacifique et non pas « de guerre intérieure. » C’est bien la preuve que la nation dans son ensemble n’est pas hostile à ce programme. Mais ces sympathies nous ont-elles entraîné trop loin ; nous sommes-nous laissé tenter par de basses surenchères ? Notre langage a-t-il jamais été vague, équivoque ? Parlant expressément des charges militaires écrasantes qui pèsent sur le monde, nous n’avons même pas reproduit les protestations officielles de tous les gouvernemens contre l’excès de ces charges, nous n’avons pas rappelé les circulaires fameuses du comte Mouraview, le vœu catégorique, unanime de la conférence de La Haye. Non, nous avons dit : Commençons par