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des passions, des vices de l’Hellade dégénérée, parfois aussi de ses vertus et de son génie, retrouvant même à certaines époques, au VIe siècle, sous Justinien, aux IXe et Xe siècles, sous les Macédoniens, son énergie héroïque et son enthousiasme esthétique, l’Empire byzantin reste aussi la porte toujours ouverte sur la Perse, la Syrie, l’Egypte, l’Inde même et la Chine. Son industrie, son commerce, son prestige, entretiennent par intervalles, ou raniment en Italie, en France, en Germanie, l’intelligence endormie de la beauté et le besoin d’exprimer par des formes visibles les croyances religieuses et les émotions terrestres.

Depuis longtemps déjà, pour l’Italie centrale et pour la Haute-Italie, d’innombrables études, poursuivies avec méthode, dans les monumens, les musées et archives, ont accumulé à ce sujet les révélations les plus utiles. Une seule partie de la péninsule, son extrémité méridionale, la pointe, le talon, l’éperon de la fameuse botte, si étrangement déchiquetée en crevasses et saillies autour de sa tige solide de montagnes noueuses, s’était jusqu’en ces derniers temps dérobée aux investigations de la curiosité moderne. Quelle région étrange, singulièrement composite et variée, que cet ancien royaume de Naples ! Si souriante en ses plaines et vallées fertiles de la Campanie et de la Fouille, si farouche dans ses escarpemens des Abruzzes et de la Calabre, appelant à l’extérieur, de tous côtés, par ses ports ouverts et ses plages ensoleillées, le trafic et les invasions, tandis qu’elle les repousse, à l’intérieur, par l’âpreté de ses rocs et de ses forêts ! Sa constitution géologique a commandé sa destinée historique. Nulle part, au moyen âge, ne se sont plus souvent rencontrées, heurtées, mêlées, plus de races diverses. Nulle part, dans les temps modernes, une monarchie plus isolée, une police plus défiante, une voirie plus insuffisante, des habitudes plus invétérées de brigandage et de saleté dans une population inculte, n’ont écarté plus longtemps les voyageurs et les explorateurs. Sauf la ville et la banlieue de Naples, sauf le golfe de Salerne, l’ancienne Grande-Grèce, ce théâtre de tant de légendes épiques et tragiques, cette arène ensanglantée où tant de civilisations s’étaient suivies, où les Grecs et les Romains, les Byzantins et les Lombards, les Sarrasins et les Normands, les Français et les Espagnols avaient dû laisser tant de souvenirs visibles, restait, en grande partie, un mystère inaccessible.

Mystère irritant pour les curieux du passé dans toute l’Europe !