Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA FIN D’UNE IDYLLE

I

« Caserio ! Ravachol ! »

Les deux pies qui répondaient à ces noms d’anarchistes s’élancèrent d’un arbre voisin et vinrent s’abattre aux pieds de leur maîtresse. Nous prenions le thé sous les draperies flottantes d’un dais de vigne vierge, assis en haut de cette espèce de véranda dont les marches de bois donnent accès à une maison de campagne petite-russienne, maison typique, basse et longue, que couvre un toit de tôle peint en vert, sans autre luxe d’ailleurs que celui des plantes grimpantes qui l’enveloppent de verdure mobile et diaprée. Les étables, les bâtimens de ferme environnans ont plus d’importance qu’elle-même ; tout cela est en harmonie avec les grandes lignes planes de la steppe où le village, ses chaumières lavées à la chaux accroupies autour de l’habitation prétendue seigneuriale, tient moins de place que n’en pourrait tenir, sur l’infini de la mer, une mince flottille de petits bateaux.

Depuis huit jours, je me retrempais dans la paix vivifianie et profonde que dégagent ces étendues immenses et je jouissais en même temps, amusé, touché, impatient selon le cas, des bizarreries souvent aimables de mon hôtesse Sophie Paulowna.

Je l’avais connue à Paris où on l’appelait de son nom de famille, Mlle Belsky, et alors je ne voyais guère en elle qu’un esprit chimérique logé dans une enveloppe des plus mal habillées. Mais, ramenée en pleine nature sauvage, cette personnalité originale était à sa place.

— Ravachol I Caserio ! Regardez-moi ces pillards !