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les enfans chez plusieurs dames attachées à la Cour, et qui, ainsi qu’autrefois les grandes dames de Vienne, désiraient offrir chez elles, à leurs amis, une répétition de la séance offerte par Mesdames dans leurs appartemens. Nous savons, par exemple, que les enfans ont joué, à Versailles, chez la comtesse de Tessé, qui, dès le début, s’était particulièrement intéressée à eux. Cette dame, qui faisait partie de la maison de la Dauphine, occupait au château, depuis 1757, l’appartement occupé, avant elle, par la célèbre Mme d’Estrades. « Elle a donné à mon garçon, — raconte Léopold Mozart, — une tabatière d’or et une montre d’or, précieuse à cause de sa petitesse ; Nannerl a eu d’elle un étui à cure-dents, tout en or, d’une beauté et d’une solidité extraordinaires. » Une autre dame, d’origine allemande, la princesse de Carignan, a donné à Marianne « une petite tabatière d’écaille blonde incrustée d’or ; » et à Wolfgang « une écritoire d’argent avec des plumes d’argent, pour composer de la musique. » J’aurai prochainement à dire la triste destinée de tous ces cadeaux.

Des cadeaux, on ne voit pas que les deux enfans en aient reçu aucun de Mme de Pompadour, chez qui l’on sait pourtant qu’ils ont été également conduits. Peut-être leur a-t-elle donné quelques-uns des « douze louis » dont Léopold Mozart avoue que c’est « tout ce qu’il a gagné à Versailles, en dehors de la Cour ? » Mais, au reste, le maître de chapelle salzbourgeois, avec son humeur éminemment respectueuse, était homme à payer de sa poche l’honneur de pouvoir présenter ses enfans à une aussi illustre personne, et que ses amis les « philosophes » lui avaient encore appris à vénérer comme la protectrice, à la fois, du bon goût et de la libre pensée. Le portrait qu’il fait d’elle aux Hagenauer est d’une bienveillance quelque peu comique, quand on se rappelle la ruine misérable qu’était devenue la marquise, à ces derniers mois de sa vie. Après avoir parlé, dans sa lettre, du scandale des mendians infirmes ou estropiés qui encombraient les rues, — et contre lesquels Louis XV allait publier une « déclaration » le 3 août de la même année, — il continue ainsi :


Et maintenant je saute du laid au charmant, et même à ce qui a réussi à charmer un monarque. Vous voudriez bien savoir, n’est-ce pas ? quelle figure a Mme la marquise de Pompadour ? Sachez donc qu’elle doit avoir été extrêmement belle, car elle est encore très agréable. C’est une personne grande et de taille imposante, plutôt grasse, mais très bien proportionnée, blonde, et qui a, dans les yeux, une certaine ressemblance avec Sa Majesté